Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
Vom Netzwerk:
Célestin et Claire demeurèrent seuls dans le hall. Elle ne le quittait pas des yeux, mais lui n’osait pas la regarder.
    — Qu’est-ce que Paul vous disait de moi ? demanda Claire.
    — Il avait une grande admiration pour vous.
    — Une admiration ?
    La jeune femme semblait déconcertée, et déçue. Une voix rauque leur parvint du salon.
    — Claire ? Alors, qu’est-ce qui se passe ?
    — C’est mon beau-frère, le frère aîné de Paul. Venez, je vais vous présenter.
    Célestin entra dans le salon à la suite de Claire de Mérange. Quatre grandes fenêtres à croisillons donnaient sur le parc. Un piano à queue occupait la première moitié de la pièce. Au fond, à gauche, un feu brûlait dans une cheminée de pierre au-dessus de laquelle était accroché un large panneau de bois sculpté représentant une scène biblique. À côté de la cheminée s’ouvrait la porte donnant sur la salle à manger où l’on pouvait voir une table dressée avec quatre couverts. Devant la cheminée, une méridienne rouge et quelques fauteuils de cuir. Assis dans l’un d’entre eux, une lourde canne posée contre l’accoudoir, un homme attendait. Il pouvait avoir quarante ans ou un peu plus, il était maigre, le visage tiré par la souffrance, les cheveux déjà blanchissant aux tempes. Il portait un costume gris, une chemise blanche, une cravate noire rehaussée d’une perle. Sa jambe gauche, tordue, rachitique, laissait flotter le tissu du pantalon. Sa bouche mince n’esquissa pas le moindre sourire lorsqu’il serra la main de Célestin.
    — Jean de Mérange, mon beau-frère, présenta Claire.
    — Beau, c’est façon de parler : il y a bien longtemps que j’ai renoncé à être beau.
    Son ton de voix était glaçant et pourtant, lorsqu’il observait Claire, son regard devenait bienveillant, presque tendre. Célestin se sentit soudain terriblement déplacé dans cet univers feutré, confortable, dans lequel personne ne l’avait convié. Il se présenta, Jean de Mérange le toisa, son regard perçant semblait noter les moindres détails de la tenue du jeune soldat.
    — Ainsi, monsieur, vous nous arrivez du massacre ?
    — Jusqu’ici, j’ai eu de la chance.
    — Sommes-nous en mesure de gagner la guerre ?
    — Elle sera de toutes façons plus longue que prévu, éluda Célestin.
    — Que pensez-vous de ce général Joffre, qu’on nous présente comme un brillant stratège ?
    — Je n’en pense rien. La guerre, vue des tranchées où nous nous sommes enterrés, n’a rien de stratégique : on essaie seulement de sauver notre peau.
    — Ce qui n’a pas été le cas de mon frère, hélas.
    Célestin pressentit qu’on allait déjà l’interroger sur la mort du lieutenant, Claire avait posé sur lui un regard brûlant. Bernadette entra.
    — J’ai fait couler le bain de monsieur.
    Jean lui fit un geste d’invitation.
    — Allez-y, cela vous fera du bien. Prenez votre temps. Profitez au moins de ce moment parmi nous.
    Sa dernière phrase avait été dite avec un véritable accent de sincérité. En même temps, l’autorité de son interlocuteur étonnait le policier, il tenait le rôle du maître de maison et cela ne semblait pas déranger Claire outre mesure. Mais la jeune femme, le visage creusé par le chagrin, ne paraissait plus en état de se rendre compte exactement de ce qui se passait autour d’elle. Célestin s’excusa et suivit la domestique. Tout en gagnant la porte, il devinait le regard de Jean de Mérange braqué sur lui. La chambre de Célestin, au second étage, était confortable, un grand lit accueillant occupait tout le mur de gauche, une flambée pétillait dans la cheminée qui lui faisait face. Sur une chaise haute avaient été disposés des sous-vêtements propres, une chemise blanche, un pantalon de velours noir et une veste de tweed. Au pied de la chaise, une paire de bottines impeccablement cirées. Le jeune homme n’avait jamais eu l’occasion de connaître un tel luxe, hormis, fugitivement, en tant qu’enquêteur dans quelques grandes demeures parisiennes. Il s’avança doucement, il craignait presque de faire du bruit. Dans une petite salle de bain adjacente, une grande baignoire pleine d’eau fumante l’attendait. En un clin d’œil, il se débarrassa de ses frusques de soldat qui puaient la merde et le sang, et se laissa glisser avec un bonheur indicible dans le bain.
    Le dîner touchait à sa fin. Célestin avait fait honneur au velouté de

Weitere Kostenlose Bücher