La Cour des miracles
en l’empêchant de commettre une infamie de plus !…
Elle se dressa sur ses étriers, écouta attentivement, et finit par entendre le son du cor dans les lointains de la forêt. Alors, elle lâcha bride et se lança dans un galop furieux…
Dix minutes plus tard, elle rejoignait la chasse, au moment même où la duchesse d’Etampes la rejoignait elle-même et constatait avec un sourire de rage l’absence de Gillette et du roi.
La cavalière aperçut la duchesse et s en approcha.
– Vous cherchez le roi, madame ? dit-elle, railleuse.
– Qui êtes-vous ?… demanda la duchesse étonnée.
– Que vous importe… Je suis une amie pour vous, puisque je viens vous dire que le roi se trouve en ce moment même à la grotte de l’Ermite, et qu’il n’y est pas seul.
En disant ces mots, la cavalière fit volte-face, et, s’éloignant rapidement, disparut dans la forêt.
A cent pas de là, elle ôta son loup, et la belle et sombre figure de Madeleine Ferron apparut.
La duchesse n’avait pas perdu une seconde. A peine eut-elle entendu parler de la grotte de l’Ermite, qu’elle s’était écriée :
– Sotte ! J’aurais dû y penser !… Messieurs ! messieurs !…
Aux cris de la duchesse, une vingtaine de cavaliers s’arrêtèrent et l’entourèrent.
– Messieurs, dit la Duchesse en feignant une vive émotion, on me prévient à l’instant que le roi, désarçonné de son cheval, s’est réfugié au Rocher de l’Ermite. Je redoute un malheur…
La duchesse partit à fond de train, suivie par le groupe de cavaliers.
Quant à la Belle Ferronnière, ayant constaté que la duchesse partait dans la direction de la grotte, elle reprit tranquillement le chemin de Fontainebleau.
Le roi, avec cette prodigieuse facilité de dissimulation qui constituait en sa nature de primitif le côté
civilisé,
le roi, en apercevant la duchesse d’Etampes, refoula le mouvement de fureur qui déjà crispait ses poings, et s’écria gaiement :
– Eh oui, messieurs, sain et sauf ! Par Notre-Dame, votre roi en a vu bien d’autres !…
Il disait cela à tout hasard.
– Vive le roi ! répétèrent les courtisans.
– A cheval, messieurs, et finissons-en avec cet incident ridicule !
– Votre Majesté assistera-t-elle à l’hallali demanda la duchesse d’Etampes.
– Non… nous rentrons au palais.
– Cela fait deux hallalis de manques, François ! murmura Anne de façon que le roi seul l’entendît.
François I er lui jeta un regard tel que d’Essé, qui surprit l’expression de ce regard, s’approcha de la duchesse et lui dit ironiquement :
– Je crois, madame, que si cela ne dépend que de Sa Majesté, la reconnaissance que vous avez bien voulu me promettre sera longue à m’atteindre.
– Nous verrons ! dit Anne d’un air de défi.
Et, se tournant vers Gillette qui, pâle et tremblante, faisait d’incroyables efforts pour se soutenir :
– Pauvre petite ! murmura-t-elle. Aurez-vous confiance en moi, maintenant ?… Mais voyons, vous sentez-vous de force à vous tenir à cheval ?… Je vous préviens qu’il serait très dangereux pour vous de ne pouvoir nous suivre… le roi voudrait sans doute, vous tenir compagnie…
– Je suis prête ! dit Gillette galvanisée.
Quelques instants plus tard, on se mettait en route pour Fontainebleau.
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Chapitre 30 LA CONSIGNE DU ROI
N ous laisserons Diane de Poitiers continuer la chasse avec ardeur, sans s’inquiéter d’autre chose que de traquer le cerf : nous laisserons François Ier, escorté de sa petite troupe de gentilshommes, cheminer en causant bruyamment, et nous le précéderons à Fontainebleau.
Nous avons vu que Margentine était arrivée devant le château. Une sentinelle lui avait crié :
– Au large, ou je fais feu !…
La folle s’était arrêtée.
La duchesse lui avait recommandé la patience. Et Margentine avait promis. Elle se souvenait très bien.
Si bien, même, qu’elle demanda à un soldat qui passait :
– Est-ce que le roi doit aller à la chasse ?
– A la chasse ? Il y est, la belle blonde.
– Ah ! Il y est… Et savez-Vous si Gillette est avec lui ?
Le soldat demeura stupéfait. Il savait que Gillette était le nom de la duchesse de Fontainebleau, et il fut émerveillé que cette sorte de pauvresse parlât d’une personne qui passait aux yeux des uns pour la maîtresse de François I er , aux yeux des autres pour sa fille.
Il bredouilla quelques mots et se
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