La Cour des miracles
eût fait effort pour ne pas sangloter… Adieu, François !
Le roi la saisit par la main. Le mot de « nouveau service » lui avait fait dresser l’oreille, car jamais Anne ne s’était vantée à faux de lui être utile.
– Laissez-moi, sire ! dit-elle.
– Eh ! mort-dieu, madame, quelle mouche vous pique ? Où prenez-vous que vous soyez menacée ?
– sire… oseriez-vous reprendre à Montgomery le parchemin que vous lui avez remis, et me le faire lire ?
Tout en se débattant, la duchesse s’arrangeait de façon à tomber dans les bras du roi.
Anne était d’une remarquable beauté, et Diane seule pouvait rivaliser avec elle.
Un parfum grisant s’échappait de sa chevelure.
Elle offrait à ce moment, et dans sa perfection, le type de la femme capiteuse.
Il n’en fallait pas tant à François I er .
– Voyons, bégaya-t-il, ne fais donc pas la méchante…
C’était l’aveu de la défaite !
– Ce parchemin, sire ! murmura la duchesse.
– Montgomery ! appela le roi.
Le capitaine des gardes entra.
– L’ordre que je vous ai remis… fit le roi.
– Le voilà, sire.
– Eh bien, détruisez-le. Je le révoque.
La duchesse allongea la main pour s’emparer du parchemin, mais déjà Montgomery l’avait jeté dans la cheminée, feignant de ne pas apercevoir le geste de la duchesse.
– Vous pouvez vous retirer, Montgomery, dit alors le roi, qui adressa à son capitaine un sourire qui eût fait pâlir d’envie les favoris du roi s’ils l’eussent pu voir.
– M. de Montgomery est vraiment un homme d’esprit, fit la duchesse.
– C’est un soldat dévoué, dit le roi ; je lui ferai un sort… Ce parchemin ne contenait rien d’intéressant pour vous ; mais puisqu’il vous inquiétait, je suis content qu’il n’en reste plus trace… Mais ne disiez-vous pas…
– Que je venais vous rendre un service ? Oui, sire, un service d’affection…
– Je n’ai jamais douté de votre affection, ma chère Anne…
– Sire, cette femme, cette pauvresse sur laquelle a tiré une de vos sentinelles…
Le roi fronça le sourcil.
– Eh bien, demanda-t-il, cette femme ?
– Elle a été transportée au château, sire…
– Au château ! s’écria le roi surpris.
– Dans l’appartement de la duchesse de Fontainebleau, sire. Et c’est là justement ce que je voulais vous apprendre ; la jeune duchesse a demandé, exigé que cette mendiante soit transportée chez elle. Or, je crois, sire, qu’elles se connaissent ; je crois… oui, je suis sûre que vous feriez bien d’aller voir cette femme…
– J’y vais à l’instant, s’écria François I er .
– Allez donc, sire, et souvenez-vous au moins que c’est moi qui ai poussé le dévouement jusqu’à vous servir contre les intérêts même de mon cœur !
François I er eut un moment d’émotion bien rare chez lui. Il saisit les deux mains de la duchesse et murmura :
– Au fond, je n’aime que vous !
Et il se hâta de courir vers l’appartement de Gillette.
C’était un maître coup d’audace et d’astuce féminines que venait d’exécuter la duchesse d’Etampes. Non seulement elle n’avait pas dit un mot de sa jalousie contre Gillette – jalousie que redoutait le roi, – mais encore, elle prenait position comme protectrice des amours de François et de Gillette.
Dès lors, plus d’inquiétude à son sujet dans l’esprit du roi. Dès lors elle devenait la maîtresse légitime, la maîtresse indulgente qui ferme les yeux sur un caprice parce qu’elle est assez forte pour cela !
Margentine avait été transportée dans cette petite chambre retirée que Gillette avait adoptée.
Le chirurgien du château, ayant découvert le buste de la blessée, examina la plaie qui se trouvait au-dessus du sein droit.
Les dames d’honneur s’étaient sauvées avec des mines de pudeur offensée. Gillette était restée.
Et même elle avait voulu aider le chirurgien.
– Soulevez un peu la tête… là… restez ainsi.
Gillette, obéissante, avait placé ses deux mains sous la tête de Margentine et la soutenait, tandis que le chirurgien lavait et pansait la blessure.
Ce fut à ce moment que Margentine rouvrit les yeux.
Son premier regard, avec un mélange de doute, d’étonnement infini et de ravissement, se fixa sur Gillette.
– Pauvre femme, dit celle-ci, comment vous sentez-vous ?
– Bien… très bien… dit Margentine. Jamais je n’ai été aussi bien…
Et
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