La Cour des miracles
hardes, et entra dans l’une des pièces qui donnaient sur le derrière de la maison.
Il y avait là un jardin clos de murs peu élevés.
Madeleine jeta son paquet dans le jardin et sauta elle-même par la fenêtre, supposant que la porte d’entrée allait être forcée d’un moment à l’autre et qu’elle ne pourrait passer par là.
Une fois dans le jardin, elle franchit le mur au moyen d’une échelle, se trouva dans un étroit passage qui courait parmi les jardins d’alentour, et regagna la rue.
Elle s’était mise à marcher rapidement dans la direction du château.
Dix minutes plus tard, elle entendit le bruit d’un grand nombre de pas venant à sa rencontre, et elle se blottit dans l’encoignure d’une porte cochère.
De là, elle vit passer une vingtaine d’hommes qui marchaient en toute hâte sous la direction d’un cavalier ; c’était La Châtaigneraie qui allait fouiller la maison de la Belle Ferronnière, et qui passa à trois pas d’elle sans l’apercevoir.
Lorsque cette troupe se fut éloignée, Madeleine Ferron reprit sa marche.
Elle n’aboutit pas à la façade du château. Mais, le contournant par l’aile droite, elle se mit à longer le mur du parc et arriva enfin au point qu’elle s’était fixé.
Là, ayant attentivement considéré les environs, elle frappa deux fois dans ses mains.
Une corde lui fut aussitôt lancée de l’intérieur du parc.
Elle attacha d’abord son paquet au bout de la corde. Puis, à la force des poignets, se hissa elle-même le long de la corde. Parvenue sur la crête du mur, où elle s’assit à califourchon, elle tira à elle son paquet et le jeta dans le parc, puis, se suspendant par le bout des doigts, elle se laissa tomber et arriva légèrement à terre.
Un homme était là qui l’attendait.
– Fidèle au poste, dit-elle ; c’est bien.
– Depuis quatre nuits, madame, répondit l’homme.
– C’est parfait. Conduis-moi maintenant.
L’homme se mit à marcher silencieusement, suivi de Madeleine Ferron ; au bout d’un quart d’heure, il arriva devant un pavillon délabré.
C’était le pavillon des gardes. Il en ouvrit la porte et entra dans une salle du rez-de-chaussée.
Là, il alluma un flambeau que sans doute il avait dû apporter la veille ou le jour même.
Madeleine avait défait le paquet de hardes qu’elle avait apporté et en avait tiré une bourse pesante, dont elle sortit un nombre respectable de pièces d’or.
Elle les tendit à l’homme.
– Voici, dit-elle, un petit commencement ; mais rappelle-toi que si tu m’es fidèle jusqu’au bout, et surtout si tu es intelligent, ta fortune est faite.
– Quant à la fidélité, vous pouvez d’autant plus y compter que vous trahir serait me trahir moi-même, et par conséquent risquer à tout le moins la potence, ; quant à l’intelligence, je ferai de mon mieux… Mais venez que je vous montre votre logis.
L’homme ouvrit une porte et descendit un escalier qui aboutissait à une cave assez vaste et assez bien aérée.
– Voici, dit-il. J’ai descendu un des lits qui se trouvaient là-haut, et l’ai garni à peu près. Voici une table, un fauteuil, et quant aux vivres, toutes les nuits je vous apporterai ce qu’il faut.
– Et le cheval ? demanda Madeleine.
– En sortant par la petite porte du parc et en suivant le chemin, au bout de cinq cents pas, vous trouverez une ancienne hutte de bûcheron. J’y ai mis la bête ; vous n’aurez qu’à la seller ; cette cabane vous servira aussi pour attendre le moment propice pour rentrer dans le parc.
– Le roi va à la chasse bientôt ?
– Après-demain… ce sera une grande chasse à laquelle assistera toute la cour.
– Bien ; continue toutes les nuits à me renseigner sur ce qui se passe au château. Jusqu’ici je suis contente de toi. Va maintenant, car je suis fatiguée.
L’homme se retira.
Madeleine ferma soigneusement la porte du pavillon et descendit se coucher dans la cave, où elle ne tarda pas à s’endormir d’un sommeil paisible.
Tel était ce pavillon des gardes où la duchesse d’Etampes méditait de faire conduire Margentine et Gillette.
– Je me charge de les décider, avait-elle dit, et de faire aménager le pavillon.
En effet, dès que le roi l’eut quittée, elle se mit à l’œuvre. Et bientôt une dizaine d’ouvriers et de domestiques s’employèrent à nettoyer de fond en comble les pièces les mieux conservées du pavillon, qui furent
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