La Cour des miracles
s’arrêta devant l’auberge du
Soleil-d’Or.
Montgomery entra dans la grande salle.
L’officier plaça des soldats à toutes les issues, puis vint retrouver le capitaine devant qui l’aubergiste et sa femme, tremblants, faisaient force salutations.
– Monsieur, dit Montgomery à l’officier, vous allez vous faire ouvrir les portes de toutes les chambres de l’hôtellerie et m’amener toutes les personnes que vous trouverez dans ces chambres.
Vingt minutes plus tard, les cinq à six voyageurs de l’auberge étaient rassemblés devant le capitaine des gardes.
Tout innocents qu’ils fussent, ces voyageurs tremblaient à qui mieux mieux, pendant que Montgomery les passait en revue sans daigner leur adresser une parole.
Enfin, le capitaine prononça ces mots qui furent accueillis par un soupir de soulagement :
– La personne que nous cherchons n’est pas ici !…
Et s’adressant à l’hôte :
– Vous n’avez pas eu depuis trois jours un voyageur jeune, trente ans à peu près, moustache et cheveux blonds, pourpoint violet, plume blanche à la toque !
– Non, monseigneur, répondit l’hôte courbé jusqu’à terre. Jamais pareil voyageur n’a paru dans mon hôtellerie. D’ailleurs, monseigneur peut s’informer, le
Soleil-d’Or
a bonne réputation et…
– C’est bien, c’est bien, l’hôte ! fit Montgomery d’un ton rude. En tout cas, nous avons l’œil sur vous, et une autre fois vous ne vous en tirerez pas à si bon compte !
L’hôtelier, abasourdi, leva son bonnet et cria d’une voix étranglée :
– Vive le roi !…
Rentré au château de Fontainebleau, Montgomery se présenta devant le roi, escorté par l’officier qui l’avait accompagné.
– Sire, dit-il, nous avons fait dans l’auberge en question une exacte perquisition, et nous n’y avons pas trouve la personne que m’avait signalée Votre Majesté.
– Je joue de malheur en ce moment, fit le roi.
Le roi ne fut pas contrarié de ce nouvel échec comme Montgomery le redoutait ou feignait de le redouter.
Il était absorbé par ses pensées qui toutes convergeaient à Gillette et à la lettre que lui avait remise Diane de Poitiers. Elle était ainsi conçue :
–
Trouvez-vous demain soir à onze heures à la petite porte du parc.
–
Demain soir, murmurait le roi, c’est-à-dire ce soir, si, comme cela est probable, la lettre a été perdue hier. Et c’était signé : «
Une amie de Gillette. »
Qui peut bien être cette amie de Gillette ? Pourquoi écrivait-elle au chevalier de Ragastens ?… Que se trame-t-il ?…
Pendant une heure, le roi réfléchit à cette singulière lettre. Puis, tout à coup, il ordonna à son valet de chambre d’envoyer chercher Sansac.
A ce moment, le roi sentait une extrême vigueur circuler dans ses veines.
C’était donc bien réellement un philtre d’amour, une boisson de jouvence qu’avait absorbée le roi.
Les couleurs lui étaient revenues.
Et ses yeux, bien qu’ayant perdu leur funeste éclat de fièvre, brillaient comme si vraiment il eût été rajeuni de plusieurs années.
Sansac, qu’il avait mandé, arriva et poussa un cri de joyeuse surprise.
– Par la mort-dieu, il semble que Votre Majesté soit ressuscitée ! ne put-il s’empêcher de dire.
– Ressuscité est bien le mot, dit le roi.
Un immense espoir lui venait. Et à se sentir si fort, il en arrivait à croire qu’il vaincrait le mal.
– Viens, dit-il à Sansac, je veux un peu respirer l’air pur de cette matinée. Nous irons jusqu’à l’étang, veux-tu ?
– Je suis aux ordres de Votre Majesté.
– Oui, mais je ne veux pas qu’on nous suive. Tu feras savoir que je veux être seul avec toi dans le parc.
François I er passa alors dans son antichambre et dans les salons bondés de courtisans.
De violentes acclamations de : « Vive le roi ! » retentirent. Il y eut un bel élan d’enthousiasme.
– Les aurais-je calomniés ? songea François I er , déjà tout prêt à se convaincre de la sincérité de cette joie et de ce dévouement qui se lisaient sur tous ces visages.
Et il traversa les groupes, distribuant les bonnes paroles et les sourires, tandis que Sansac répétait à Montgomery que le roi voulait être seul dans le parc.
Le parc immense et désert était d’une jolie fraîcheur, avec ses jeunes verdures encore frêles et ses premiers chants d’oiseaux.
François I er marchait silencieusement, escorté par Sansac qui
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