La Cour des miracles
chambre du roi.
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Chapitre 37 LE PHILTRE
F rançois Ier était réveillé. Un grand abattement se lisait sur ses traits fatigués. Seuls, les yeux brillaient d’un feu étrange.
– Eh bien, monsieur, s’écria François I er , avez-vous réussi à me composer cette potion ?
Le médecin déposa sur une table, au milieu de la chambre, le flacon qu’il avait apporté.
– Sire, balbutia-t-il, le philtre que me demandait Votre Majesté est bien connu, et sa composition, importée en France par des Asiatiques, ne peut être ignorée par un médecin…
– Il suffit, maître, dit le roi dont le regard s’enflamma.
– Si votre Majesté daignait le permettre…
– Non, maître, non !… Je sais ce que vous pouvez avoir à me dire… Toute parole est désormais inutile… Votre office est rempli, vous pouvez vous retirer…
– J’ose espérer que le mal qui peut arriver ne retombera pas sur moi ! dit le médecin qui, s’étant incliné, se retira.
Maintenant, les antichambres étaient pleines de monde.
La nouvelle que le roi allait mieux, et qu’il pouvait guérir, avait fait le vide autour du dauphin Henri et ramené auprès du vieux roi la foule des courtisans.
Seul dans sa chambre, François I er demeura quelques minutes songeur, les yeux fixés sur le plafond.
Bassignac entra et lui dit que M me Diane de Poitiers demandait instamment à être introduite près du roi.
François I er avait pour Diane une singulière estime.
Cependant cette femme le trahissait : elle voulait le tuer.
Il ne le savait pas.
Diane de Poitiers ne haïssait pas François I er . Mais elle haïssait celui qui occupait la place d’Henri II Car elle pensait fermement que le couronnement du dauphin se compléterait par son propre couronnement.
– Sire, dit-elle de sa voix un peu masculine, lorsque François I er eut donné l’ordre de l’introduire, je vois avec bonheur qu’on nous avait fait un faux rapport.
– Quel rapport, ma chère Diane ?
– On nous disait que Votre Majesté souffrait d’un mal inguérissable…
Le roi devint livide à ce coup si rude.
– Et que la crise de cette nuit menaçait de l’emporter, acheva Diane implacable. Je vois, se hâta-t-elle d’ajouter, qu’il n’en est rien et que, par la merci de Dieu, le roi sera encore longtemps.
– Le roi se meurt, interrompit François I er .
– Sire ! sire ! que dites-vous là ?… Je suis convaincue que vous souffrez seulement d’un peu d’ennui, et qu’il suffirait de quelque amusement pour vous arracher aux pensées qui vous attristent… Permettez-moi, sire, de parler en toute franchise…
– Parlez, ma chère amie…
– Eh bien ! depuis notre arrivée à Fontainebleau, Votre Majesté ne s’entoure que de visages graves et austères… Plus de fêtes, plus de tournois… C’est à peine si la chasse vient rompre la rude monotonie de ses journées… Eh ! sire, nous ne sommes pas au camp !… Rappelez auprès de vous les poètes que vous avez éloignés, les troubadours dont les récits nous charmaient jadis, composez-vous une cour qui soit comme un parterre de fleurs. Il ne manque pas de jeunes et charmantes femmes dont le spectacle égaiera les esprits moroses de Votre Majesté… Et tenez, sire, j’y pense… Sans aller plus loin… pourquoi avoir chassé du château et relégué au fond du parc cette si jolie Gillette que nous aimons tous…
Le roi buvait ces paroles et s’en enivrait comme d’un poison délicieux.
Au nom de Gillette, un long frisson l’avait agité.
Diane put, d’un coup d’œil, mesurer toute l’étendue des ravages que la passion peut causer dans un cœur qui a passé l’âge d’aimer et s’obstine à l’amour…
Tout à coup elle frappa dans ses mains :
– Mais ceci me rappelle un incident assez curieux que je veux rapporter à Votre Majesté pour la distraire…
– Vous êtes une enchanteresse, Diane, et sous vos paroles, je me sens revivre !
– Votre Majesté, heureusement, n’a pas besoin qu’on l’aide à vivre…
– Voyons l’incident… A qui se rapporte-t-il ?
– Mais… à la jeune duchesse de Fontainebleau…
Les yeux du roi flamboyèrent.
– Un jardinier, continua Diane, a trouvé dans le parc une lettre singulière qui est signée :
Une amie de Gillette…
Cette lettre est adressée à un monsieur… de… j’ai oublié… Mais, tenez, sire, voici la lettre…
Diane tendit au roi un carré de papier qu’il se mit à lire et
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