La Cour des miracles
respectait sa rêverie.
Tout à coup, il s’arrêta, caché parmi des touffes de lilas qui n’avait pas encore fleuri, mais dont les grappes de bourgeons semblaient prêtes à éclater en floraisons parfumées.
Il fit signe à Sansac de s’arrêter aussi et de ne faire aucun bruit. Alors il écarta doucement les touffes épaisses du bouquet d’arbustes, et Sansac aperçut une maison d’aspect délabré…
C’était le pavillon des gardes.
Le roi palpitait.
– Tout ce que j’aime est là ! murmura-t-il, Soudain, il pâlit et saisit la main de Sansac.
Dans l’encadrement de l’une des croisées du rez-de-chaussée apparaissait une figure de jeune fille qui, elle aussi, semblait interroger anxieusement le ciel bleu et attendre quelque événement d’où dépendait sa vie.
– Elle ! gronda sourdement le roi.
C’était en effet Gillette.
Mais la jeune fille ne tarda pas à disparaître, et les doigts crispés sur la main de Sansac se détendirent peu à peu.
– Ainsi, demanda Sansac, Votre Majesté aime toujours cette jeune fille ?
– Toujours, ami ! Plus follement que jamais !… Cet amour me torture et me désespère… mais c’est fini…
Sansac regarda fixement François I er .
– Le roi est le maître ! prononça-t-il.
– Oui, mort-dieu, je suis le maître… Je te dis que c’est fini, Sansac ! Ce soir, nous l’enlevons, tu entends ?
– Bien, sire, dit froidement Sansac. A quelle heure ?
– Lorsque la nuit commencera à tomber.
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Chapitre 38 UN SOIR DE PRINTEMPS
E ntre Margentine et Madeleine Ferron, il avait été convenu que Gillette ne serait mise au courant de ce qui se préparait que tout à fait au dernier moment.
La journée se passa donc pour là jeune fille dans une tranquillité relative.
Cependant, sur le soir, l’attitude nerveuse de Margentine commença à l’inquiéter.
– Qu’avez-vous donc, mère ? demanda-elle.
Margentine répondit par d’évasives paroles. Madeleine, qui toute la journée était restée enfermée dans sa chambre, se montra à ce moment.
Elle était plus pâle qu’à son ordinaire, et Gillette ne put s’empêcher de le lui dire.
– Chère enfant, dit Madeleine, ne vous inquiétez pas de moi !
Elle l’attira vers la fenêtre ouverte, et toutes deux s’accoudèrent un instant.
– Quel beau soir ! murmura Madeleine Ferron. Comme on voudrait pouvoir aimer librement et laisser battre son cœur… tandis que…
– Que voulez-vous dire, madame ?… Oh ! parlez… je sens que vous avez au fond du cœur, une immense amertume et je voudrais tant vous consoler !…
– Pauvre petite ! Vous oubliez vos chagrins qui sont réels pour essayer de consoler mes lubies… Croyez-moi mon enfant, je n’ai guère besoin d’être consolée… j’en ai fini avec les amertumes et les dégoûts de la vie… Vous, au contraire, si jeune, toute vibrante d’espoir et d’amour… ne rougissez pas ma fille… l’amour est une noble chose…
Elle ajouta avec un soupir étouffé :
– Le tout est d’être aimée !… Mais vous, vous l’êtes sûrement…
– Comment le savez-vous, madame ?
– Je le sais. Hélas ! j’ai trop l’expérience de ces choses pour pouvoir m’y tromper. Vous êtes aimée, n’en doutez pas…
A ce moment Margentine les appela.
On ferma la croisée et on se mit à table avec cette gaieté contrainte des personnes qui ont à se cacher quelque inquiétude.
Madeleine se pencha vers Margentine.
– Bientôt neuf heures, murmura-t-elle. Il est temps de la prévenir. Moi je vais voir si rien d’inquiétant ne se passe aux alentours.
Elle se leva, s’enveloppa d’une mante et sortit.
Gillette était demeurée rêveuse ; sa pensée était évidemment bien loin de ce pavillon où elle était enfermée.
Cette pensée s’envolait vers la petite maison du Trahoir d’où, par un soir de printemps, pareil à celui-ci, elle avait pour la première fois remarqué ce jeune homme qui la regardait d’un regard si tendre et si ardent à la fois.
– A quoi songes-tu ? demanda Margentine en souriant. Veux-tu que je le dise ? Tu songes à ton amoureux…
– Oui, mère, dit-elle simplement.
Et ses yeux se voilèrent.
– Il est bien loin, dit-elle avec un soupir. Il ne sait pas que je suis ici. Et qui sait s’il pense à moi !
– A quoi veux-tu qu’il pense ? fit naïvement Margentine. Mais tu dis qu’il est bien loin d’ici… Peut-être n’est-il pas aussi loin que
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