La Cour des miracles
qu’il avait préparé.
L’inquiétude de François I er devint de l’anxiété. Il n’avait qu’une confiance limitée en ses médecins ordinaires, et la fuite de Rabelais lui était d’un triste augure.
Ce fut donc d’un air très sombre qu’il s’apprêta à quitter le Louvre.
Une autre chose qui surprit assez le roi, ce fut d’apprendre qu’Alais Le Mahu ne s’était pas présenté pour toucher son bon de mille écus.
Mais cette surprise n’alla pas jusqu’à l’inquiéter sur le sort de celui qui lui avait fait retrouver Gillette.
Nul ne s’occupa donc de ce qu’était devenu Alais Le Mahu. Et ce ne fut que quelques jours plus tard que sa logeuse découvrit son cadavre.
M. Gilles Le Mahu, en apprenant la mort de son frère, s’écria :
– Un beau chenapan de moins sur la terre ; il nous économise une corde !
Vers deux heures, le roi donna le signal du départ.
Il y avait dans la grande cour du Louvre une trentaine de carrosses, dans lesquels prirent place les femmes, princesses et dames d’honneur.
Quant aux fourgons qui emportaient les domestiques et les bagages, il y en avait plus de cent.
Les seigneurs de la cour devaient faire le voyage à cheval. Un régiment de cavaliers devait servir d’escorte.
Toute cette brillante cavalcade traversa Paris, fort admirée et fort acclamée par le peuple, rangé en files compactes, qui s’exténuait à crier :
– Vive le roi !
François I er , à cheval, entouré de ses seigneurs, ne faisait nulle attention à cet enthousiasme.
Pourtant, lorsque, dans la foule, le roi apercevait quelque jolie fille qui s’extasiait, il daignait sourire.
Enfin, la cavalcade sortit de Paris et, au grand trot, prit le chemin de Fontainebleau, résidence royale.
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Chapitre 7 LE TESTAMENT D’ETIENNE DOLET
L e jour du jugement d’Etienne Dolet approchait. Il avait reçu à diverses reprises la visite de l’official qui l’avait longuement interrogé.
L’accusation portait sur deux points très précis.
Etienne Dolet, en premier lieu, était accusé d’avoir écrit qu’après la mort l’homme n’est plus rien.
Ensuite, il était accusé d’avoir imprimé des livres plus ou moins démoniaques, et surtout – horreur des abominations – d’avoir imprimé une bible en langue vulgaire.
En effet, la Bible imprimée en latin était un livre sacré. Mais le même livre, traduit en français, devenait un livre de perdition.
Sur le premier point, Dolet répondait :
– Je n’ai pas écrit que l’homme après la mort n’est plus rien ; j’ai traduit Platon qui dit cela. Plusieurs pères de l’Eglise ont traduit Platon ; j’ai fait comme eux ; mais je n’ai pas cru que j’avais le droit de le mutiler…
Sur le deuxième point, Dolet niait simplement.
Il avait obtenu du roi un privilège d’imprimeur.
Il savait à quoi l’obligeait ce privilège.
Et la vérité, c’est que Dolet eût plutôt renoncé à son privilège que de faire de la fraude.
Les livres trouvés chez lui y avaient été déposés par frères Thibaut et Lubin.
Nous ne fatiguerons pas nos lecteurs avec le récit des interrogatoires multiples qu’eut à subir cet infortuné. Disons simplement que l’official fut plus d’une fois embarrassé devant les réponses claires, simples et précises de l’accusé.
Enfin, Dolet apprit qu’il allait passer en jugement comme relaps, apostat, hérétique, et convaincu de connivence avec plusieurs démons.
Le jour où Gilles Le Mahu vint lui lire l’arrêt qui le traduisait devant le tribunal sous ces terribles inculpations, Dolet se dit :
– Je suis perdu !…
Depuis sa tentative d’évasion, il n’avait pas été changé de cachot. Maître Le Mahu, tout entouré de gardes qu’il fût, craignait que le prisonnier n’essayât encore quelque entreprise désespérée pendant le transfert.
Il l’avait donc laissé où il était.
Seulement, il avait quadruplé le nombre des gardiens qui se tenaient en permanence devant la porte du cachot.
En outre, trois soldats armés demeuraient nuit et jour dans le cachot, surveillant tous les mouvements de l’accusé, et toujours prêts à se jeter sur lui.
Il eut une botte de paille pour dormir. Il eut de l’eau à discrétion pour boire à sa soif. Quant à la nourriture, maître Le Mahu se montra généreux ; le prisonnier eut un pain tous les jours, et, de deux jours l’un, une soupe aux légumes.
La vérité nous oblige à ajouter que le pain était
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