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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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bonne nuit !
    Demeuré seul en son cachot – seul, car la présence des soldats armés ne comptait plus pour lui – Dolet, pensif, se mit à se promener de long en large. Il y avait des jours et des nuits qu’il se promenait ainsi, tantôt songeant à ce Loyola dont il était la victime innocente, tantôt pensant à ce roi si lâche qui le livrait, parfois arrêtant son esprit sur des problèmes de philosophie, mais toujours écartant de son mieux les images de sa femme et de sa fille. Car dès qu’il pensait à elles, il se sentait faiblir.
    La mort ne l’effrayait pas.
    Et quant à l’horrible souffrance du bûcher, il ne se disait peut-être pas avec la feinte sagesse du stoïcisme antique : « 
Douleur, tu n’es qu’un mot »,
mais il envisageait avec fermeté l’effroyable conjoncture.
    Il vint s’asseoir à la petite table, sur un escabeau, et posa sa tête dans sa main.
    – Je serai brûlé ! murmura-t-il.
    Un frémissement le secoua.
    – Eh quoi ! pensa-t-il, en admettant même que j’aie mérité la mort ne pourrait-on me faire mourir sans souffrance ? Pourquoi ceux qui se réclament d’un Dieu de bonté sont-ils féroces à ce point ? Quoi ! prendre un homme vivant et lui faire subir ce supplice de le placer sur un amas de bois et de mettre le feu aux fagots !
    Sa main retomba sur la table et, machinalement, il saisit la plume.
    Et ce fut sous l’impression des pensées qu’il venait d’agiter qu’il se mit à écrire :
    « Ceci est ma dernière pensée.
    « C’est le dernier effort d’un esprit qui va bientôt s’éteindre.
    « Peut-être ces lignes tomberont-elles plus tard sous les yeux d’hommes justes.
    « Peut-être ce papier va-t-il être détruit.
    « Je ne veux songer qu’à la possibilité d’être lu plus tard.
    « C’est donc du seuil de la tombe que je parle aux hommes, et j’ai pour tribune un bûcher.
    « Je vais être brûlé ! Brûlé vif !
    « Ce que ma chair va souffrir, je ne le sais.
    « Je ne sais pas non plus quelles clameurs d’agonie s’échapperont de ma gorge alors que, délirant au milieu des tourbillons de flamme, je ne serai plus responsable de ma pensée.
    « La vraie clameur du condamné est ici, sur ce parchemin.
    « Voici donc ce que je souhaite :
    « Je suis innocent de toute action mauvaise.
    « Aussi loin que je regarde dans ma vie, avec le scrupule et l’angoisse d’un juge impartial, je n’y découvre aucun crime, aucune faute véritable.
    « J’ai aimé les hommes, mes frères.
    « J’ai tâché de leur montrer qu’il y a un flambeau pour les guider vers le bonheur à travers les ténèbres de la vie que nous vivons. Ce flambeau s’appelle : Science.
    « J’ai fait en sorte de répandre le plus que j’ai pu de science, c’est-à-dire de lumière, afin de chasser le plus possible de ténèbres, c’est-à-dire d’ignorance.
    « Je ne me suis pas détourné des moins fortunés que moi. Je n’ai pas montré un visage impitoyable aux fautes des autres.
    « J’ai songé que le mot suprême de la sagesse humaine et l’aboutissement fatal de la science, de la pensée, de la vie, c’est l’indulgence.
    « Une humanité où les hommes auraient pitié les uns des autres, où se développerait cette radieuse et magnifique pensée de fraternité que le Christ a entrevue, une humanité pareille aurait résolu le problème du paradis terrestre.
    « Cependant, c’est la haine qui triomphe.
    « Je ne veux ici accuser personne.
    « Je dis seulement que l’esprit de domination engendre l’esprit de haine.
    « Je dis que les dominateurs qui ont inventé le bûcher pour les hommes inaptes à la servitude sont l’obstacle qu’il faut écarter.
    « Puisse-t-on me comprendre !
    « Puisse l’humanité apprendre à pénétrer dans sa propre pensée !
    « Puissent les hommes arriver un jour à penser librement, c’est-à-dire sans que leur croyance, leur foi, leur pensée leur ait été imposée.
    « Puisse la science remettre au creuset de l’analyse les croyances humaines qui nous sont transmises par les siècles barbares !
    « En formulant ces souhaits, je ne crois pas passer les limites du droit humain.
    « Je ne me crois pas en faute.
    « Pourtant, c’est pour penser ce que j’écris, c’est pour avoir aimé la science, la lumière, pour avoir été le frère de mes frères que je vais être brûlé.
    « Je voudrais qu’un jour un monument s’élevât à l’endroit même où je

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