La couronne de feu
le fil à plomb pour la lance et l’épée, il s’était mêlé à une bande de routiers et d’écorcheurs à la solde du duc de Bourgogne, Jean sans Peur. De concert avec eux il avait dévasté les villages du Sancerrois et du Nivernais, avec une particularité : le rançonnement du moindre sergent. Cette pratique lui avait permis d’amasser un pécule confortable, de prendre du galon et de s’offrir la seigneurie de La Motte-Josserand, avec un blason en prime. Pour fonder une dynastie il avait épousé une demoiselle, mais pas n’importe quelle garce : Huguette de Corvol n’était pas une Vénus mais avait du bien au soleil. Devenu gentilhomme sans renoncer à être chef de bande, l’apprenti maçon avait la manière avec ses hommes ; ses méthodes se résumaient en un mot : discipline. Un peu à l’étroit dans son domaine de La Motte-Josserand il s’était fait attribuer par son suzerain, le duc de Bourgogne, deux forteresses : Saint-Pierre-le-Moutier et La Charité-sur-Loire ; il y avait installé sa cour, ses ministres et ses capitaines. C’étaient des positions idéales pour mettre au pillage les riches provinces d’alentour et rançonner les voyageurs. L’exploit le plus audacieux et le plus fructueux de sa carrière avait été la capture et la mise à rançon d’un favori du dauphin Charles : Georges de La Trémoille. Il riait encore en racontant à ses proches cette anecdote qui avait fait grand bruit.
Dans les derniers jours de septembre, Jeanne, entourée de Charles d’Albret, son mentor pour cette opération, de Louis de Bourbon, comte de Monpensier et du maréchal de Boussac, se présenta avec une petite armée devant Saint-Pierre-le-Moutier, localité située au milieu des terres, à environ quatre lieues de la Loire en tirant vers le levant. Elle constata que les eaux étaient fort hautes pour la saison, ce qui permettrait d’acheminer le matériel dans de meilleures conditions. En revanche, la position était plus solide qu’elle ne l’imaginait.
– Ce sera pour nous, dit-elle, l’occasion de mettre notre artillerie une nouvelle fois à l’épreuve.
Elle pensait à la Bergère, cette énorme bombarde envoyée par les Orléanais au siège de Jargeau, cinq mois auparavant. Expédiée par le fleuve de cette dernière ville, chargée sur deux chalands, un pour la volée et l’autre pour la chambre, elle arriva à Luthenay alors que Jeanne mettait pied à terre devant Saint-Pierre. Pour la conduire devant les remparts un attelage de trente chevaux fut nécessaire, de même qu’une équipe de manoeuvres chargés de damer les chemins qu’emprunterait le cortège.
Le siège débuta dans un grand branle-bas d’artillerie mise en batterie et d’installation de postes. Ces opérations furent confiées à d’Albret car on redoutait l’inexpérience de la Pucelle et ses convictions saugrenues en la matière.
Au beau temps qui avait favorisé la progression de la colonne et du convoi de la Bergère avaient succédé les averses annonciatrices d’un automne précoce.
La première attaque se solda par une reculade effrénée des assaillants sous un déluge de mitraille, de flèches et de viretons. Jean d’Aulon, qui ne quittait pas la Pucelle d’une semelle, reçut un trait d’arbalète dans le pied et resta quelques jours invalide et marchant aux potences.
Jeanne fit observer à d’Albret que l’on avait mal situé les points d’attaque.
– Ces défenses, aussi impressionnantes soient-elles, doivent avoir leurs points faibles. À nous de les découvrir.
Tandis que l’on installait la Bergère face à la porte principale, Jeanne, vêtue d’un épais manteau de pluie et escortée d’une compagnie de cavalerie, fit le tour des remparts sous de violentes rafales de pluie. De retour au camp elle dit à d’Albret :
– Je crois avoir découvert l’endroit propice où faire porter la canonnade : près du châtelet oriental où j’ai observé la présence d’une forte lézarde. La Bergère devrait en venir à bout : il suffira de la déplacer de deux ou trois cents pas.
Il fallut trois jours pour démonter, transporter et remonter la pièce sur le terrain préparé à son intention. Le gros de la troupe fut placé derrière elle, au milieu des chariots transportant les échelles, tandis que des équipes renforcées de quelques paysans mis à la tâche s’activaient au comblement du fossé, sous les tirs nourris partant des créneaux.
Les premières décharges de
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