La couronne de feu
De plus Catherine avait la réputation d’une quêteuse émérite : lorsqu’une bande avait besoin de subsides pour continuer la lutte, le capitaine faisait appel à elle pour faire s’ouvrir bourses et coffres.
– Ce don, ajouta Catherine, m’a été révélé le jour où la Vierge m’est apparue pour me dire : « Tu vas aller vers les villes et faire crier par les hérauts, à son de trompes, que quiconque a de l’or, de l’argent ou quelque trésor caché l’apporte à l’instant et le dépose dans ton giron. » Certains refusent de se soumettre mais moi j’ai vite fait de découvrir le magot !
Elle se pencha vers Jeanne et lui confia à voix basse pour échapper à la curiosité de La Touroulde :
– Je tiens à votre disposition dix mille écus. Cette somme vous permettra de solder en partie l’armée que, dit-on, vous vous apprêtez à mettre sur pied.
– Si vous venez vers moi pour m’apporter votre secours, dit Jeanne, soyez la bienvenue. Mais ce n’est pas l’unique raison de votre visite !
Catherine tendit ses mains vers le feu, jeta de nouveau un regard autour d’elle avant de déclarer :
– Jeanne, il faut faire la paix avec Philippe de Bourgogne.
– La paix, dites-vous ? Si c’est le frère Richard qui vous a inspiré cette idée, j’en suis surprise : il sait mieux que quiconque à quel point j’aspire à la paix, à condition que les Anglais retournent en Angleterre. La paix avec Philippe ne se fera que le jour où il raisonnera de même, mais il ne semble pas en prendre le chemin. Nous ne trouverons la paix qu’au bout de nos lances !
Jeanne trouva singulier que cette femme lui proposât en même temps de l’argent pour se constituer une armée et lui conseillât de faire la paix. Elle allait s’informer de cette contradiction quand Catherine partit sur un autre dada : elle apprit à Jeanne que le frère Richard marchait accompagné d’une cohorte d’illuminées plus ou moins fiables, dont elle était le chef de file, l’inspirée numéro un, qu’il faisait confiance plus qu’à toute autre à une Bretonne, toujours accompagnée de sa soeur cadette, qui professait pour la Pucelle une sympathie qui confinait à la passion. C’est dans cet entourage féminin caquetant que le frère cordelier attendait la fin du monde.
– Vous prétendez, dit Jeanne, recevoir chaque nuit la visite de la Vierge Marie. Est-ce exact ?
– C’est la pure vérité.
– Alors, avec votre permission, nous coucherons ce soir dans la même chambre. Il me plairait d’assister à l’une de ces rencontres.
Elles veillèrent ensemble, mouchèrent la chandelle, attendirent. Passé minuit, accablée de fatigue et excédée par la volubilité extatique de sa compagne de lit, Jeanne s’endormit. Le matin venu, elle s’excusa de sa défaillance et demanda à Catherine si la visite attendue avait eu lieu. Bien sûr ! mais Catherine n’avait pas osé éveiller la dormeuse. La nuit suivante, Jeanne fit en sorte de se tenir aux aguets jusqu’à l’aube. Ni apparition ni voix ne se manifestèrent. Quant à Catherine, elle dormait comme une bienheureuse qu’elle n’était pas.
Jeanne lui dit en se levant :
– Ma conviction est faite ! Retournez dans votre famille et cessez de jouer les devineresses et les inspirées. Tandis que vous dormiez j’ai pris conseil de mes voix : elles m’ont assuré qu’il n’y avait en vous que folie et néant. Quant aux dix mille écus que vous m’avez promis, s’il ne s’agit pas d’un de vos mensonges, allez donc les offrir à Philippe. Il aura besoin d’argent pour célébrer son troisième mariage !
Catherine n’était pas rancunière. Avant de repartir pour Paris et de poursuivre son pèlerinage en faveur de la paix bourguignonne elle mit en garde la Pucelle contre les dangers de la campagne contre Perrinet Gressart que La Trémoille lui proposait.
– Et pourquoi devrais-je renoncer ? demanda Jeanne.
– Parce que vous auriez très froid ! répondit Catherine.
Jeanne ajouta après avoir pouffé de rire :
– Je suppose que vous allez tâcher de rencontrer le duc Philippe ? Alors dites-lui que je lui souhaite beaucoup de bonheur avec sa nouvelle épouse !
Campagne de Loire, octobredécembre 1429
Type même du brigand devenu gentilhomme, Perrinet Gressart n’était pas du menu fretin.
Cet ancien apprenti maçon originaire de Picardie avait de bonne heure pris la mesure de ses compétences et de ses ambitions. Abandonnant la truelle et
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