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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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notre parti : jamais nous n’entrerons dans cette ville ! Jeanne, il faut faire sonner la retraite.
    Elle répondit qu’il fallait patienter, que le temps allait sûrement se radoucir et permettrait d’opérer dans de meilleures conditions. D’Albret haussa les épaules et répliqua :
    – Les gens de Gressart sont deux fois plus nombreux que nous, ils ne manquent de rien et ont les pieds au chaud. Il faudrait un miracle pour les mettre à genoux. En êtes-vous capable ?
    – Les miracles ne viennent pas de moi, répondit Jeanne d’un ton aigre-doux. Ils ne se produisent que par l’intercession du Seigneur Dieu.
    – Il faut en convenir, ma fille : aujourd’hui Dieu n’est pas de notre bord.
    – Peut-être attend-il son heure... Tout peut arriver. En douter, c’est perdre d’avance. Partez si telle est votre volonté, moi, je reste avec quelques braves qui me sont fidèles jusqu’à la mort, comme à Saint-Pierre.
    – Non, Jeanne ! Si je décide de lever le camp vous partirez avec moi. N’oubliez pas que j’ai mission de vous ramener à Bourges, que cela vous plaise ou non.
    La rage au coeur, impuissante, elle finit par accepter son échec et à reprendre le chemin de Bourges. Albret veilla à ce que la retraite ne prît pas l’allure d’une débandade. On laissait pourtant à l’ennemi la Bergère, une partie de l’artillerie, les tentes et le matériel de siège encore entassé dans les chariots : on avait dévoré tous les animaux de trait...

6
    La vie de château

Jargeau, Orléans : hiver 29-30
    Le frère Richard, dont la pugnacité se confirmait avec l’âge, avait eu cette idée singulière : réunir à Jargeau, autour de la Pucelle, Catherine de La Rochelle sa protégée, la Pierronne et sa petite soeur, ainsi que quelques pythonisses villageoises de moindre acabit qui faisaient figure de néophytes. Il avait choisi de fixer ce concile au temps de Noël, qui lui paraissait plus favorable à l’exaltation de la foi : il en attendait des bouquets de prédictions et peut-être, à défaut de miracles, des prodiges susceptibles d’illuminer le ciel morne de cet hiver rigoureux. Peut-être aussi une étincelle qui déclencherait, comme on met le feu aux poudres, l’apparition de l’Antéchrist annonciateur de la fin des temps.
    Désoeuvrée, ruminant son échec de La Charité, Jeanne tournait comme un fauve en cage dans les appartements de La Touroulde lorsque lui parvint l’invitation du frère Richard. Se souvenant de la promesse faite naguère aux habitants de Jargeau de revenir leur rendre visite, elle accepta d’autant plus volontiers que le mauvais temps marquait une trêve, que la neige était en train de fondre et de libérer les chemins, et que la distance entre Bourges et Jargeau pouvait être parcourue en deux jours. De plus, ce que Charles d’Albret appelait par dérision un béguinage volant attisait sa curiosité.
    Amaigri, secoué plus que jamais de tics nerveux, le frère Richard paraissait avoir grandi de quelques pouces. En voyant Jeanne mettre pied à terre il s’agita comme une araignée devant un insecte pris dans sa toile. Elle avait effectué avec la petite escorte confiée à Jean d’Aulon une trentaine de lieues à travers bocages et marais pris par la glace, dans les solitudes solognotes, sans rencontrer âme qui vive.
    Écartant ses longs bras maigres comme s’il venait de voir surgir le Messie, il s’écria :
    – Jeanne, ta présence me met du baume au coeur ! Je n’osais trop espérer ta venue, avec toutes les préoccupations qui t’accablent. Nos compagnes t’attendent dans la salle haute du château où elles sont logées plus confortablement qu’en l’abbaye Saint-Étienne.
    Il lui prit le bras, l’entraîna vers le châtelet, lui montra les traces du bombardement qui avait libéré la ville.
    – Je n’ai pas oublié, soupira Jeanne. La Bergère a fait du bon travail. Aujourd’hui elle est aux mains de ce brigand de Perrinet Gressart, que le diable l’emporte !
    Les devineresses attendaient Jeanne devant la cheminée où brûlait un feu d’enfer, occupées à jacasser en faisant des travaux d’aiguille. Ce n’était pas encore l’heure des conversations sérieuses, des révélations, des prophéties. De temps à autre, l’une d’elles se levait et, plantée devant la cheminée, jupes levées, laissait la chaleur caresser ses cuisses et son ventre.
    Elles accueillirent Jeanne avec des cris de joie, l’entourèrent, l’embrassèrent,

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