La couronne de feu
intérêt à ce que nous les débarrassions de ce brigand qui les ruine.
Jeanne fit écrire par Pasquerel aux échevins de Clermont pour demander du secours : on lui expédia du salpêtre, du soufre, des flèches et des viretons, ainsi qu’une épée, une dague et une hachette à l’intention de l’héroïne : c’était se moquer d’elle et de ses capitaines. Informés des besoins de l’armée, les bourgeois de Riom promirent soixante écus mais n’envoyèrent pas un denier !
Passant par Moulins avant de se rendre à La Charité, Jeanne décida de rencontrer l’abbesse du couvent de Sainte-Claire, réformatrice de cet ordre, dont on lui avait dit qu’elle réalisait des miracles.
Colette Boilet, que l’on appelait familièrement la Petite Ancelle, n’avait pas que des partisans. Elle menait tambour battant sa réforme, n’épargnant ni son temps ni sa peine, courant routes et chemins, ce qui lui attirait les railleries et l’acrimonie de ses adversaires partisans de l’ordre établi dont ils tiraient plus de profit que de foi.
La rencontre eut lieu un jour de neige dans le couvent des Clarisses. La Petite Ancelle revenait d’une campagne de collecte auprès des vignerons de Saint-Pourçain et réchauffait ses mains couvertes d’engelures à la flamme d’un brasero. Elle offrit à sa visiteuse une tisane et un quignon de pain rassis.
Cette nonne qui avait l’apparence d’une adolescente chlorotique au visage d’ascète s’exprimait par foucades, avec des laves dans la voix et un regard ardent aux paupières lisérées de rouge.
Jeanne ne tarda pas à comprendre qu’elle avait nourri des illusions. Celle qu’on appelait déjà une sainte avait deux préoccupations majeures : la réforme de son ordre et son soutien à Philippe le Bon ; elle exécrait toute forme de violence, même motivée par des intentions louables. Passé son mouvement de curiosité, la Pucelle se dit que leur entretien n’apportait rien à l’une et à l’autre. La conversation avait tourné court : rien de commun entre la petite nonne et la femme de guerre. Rien, sinon la foi.
À quelques jours de là, alors qu’elle se trouvait à une lieue environ de La Charité, l’armée royale reçut un secours inattendu qui releva le moral des hommes : les bourgeois d’Orléans envoyaient à la Pucelle quelques pièces d’artillerie et une centaine de volontaires de la milice urbaine portant sur leur pourpoint la croix blanche des Armagnacs. Une centaine d’hommes mal préparés à une guerre de siège et aux souffrances du froid et de la faim, c’était peu, mais Jeanne pleura de joie en songeant que le beau Dunois ne devait pas être étranger à ce secours.
Autre surprise inespérée : les gens de Bourges avaient collecté treize cents écus pour solder en partie l’armée en campagne. De cette somme importante, nul ne vit la couleur : La Trémoille, songea Jeanne, en avait fait son profit.
Les premiers préparatifs du siège étaient engagés lorsque Jeanne vit arriver quelques capitaines et des renforts : le sénéchal de Toulouse Jean de Bouray, le comte de Saint-Sévère et un seigneur dauphinois, Raymond de Montemur. De braves gentilshommes, mais qui ne se montraient guère : comme paralysés par le froid intense de novembre ils se cantonnaient dans leur tentes ou dans des abris de fortune et ne suivaient que d’un oeil indifférent les préparatifs du siège.
On était devant la place depuis une quinzaine sans que les opérations fussent réellement engagées. Depuis l’affaire désastreuse de Saint-Pierre les gens de Perrinet Gressart avaient eu le temps de se pourvoir en subsistances et en munitions. Malgré les bombardements nourris de la Bergère et des autres pièces à feu, chaque tentative se soldait par un échec des assaillants qui, mal nourris, ankylosés par le froid, répugnaient à se colleter avec l’adversaire et se laissaient de plus en plus nombreux tenter par les sirènes de la désertion. Les miliciens d’Orléans furent les premiers à prendre congé de la Pucelle, sous prétexte qu’ils étaient venus pour se battre et non pour regarder tomber la neige sur le pont de la Loire.
Perrinet Gressart porta un coup fatal aux assiégeants le jour où il parvint à attirer sur la rive droite du fleuve un fort contingent de piétons, à fondre en force sur eux et, leur coupant la retraite, à les exterminer.
– C’en est trop ! s’écria Charles d’Albret. Nous devons en prendre
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