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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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miséreux des profiteurs ? Et, en vérité, profite-t-on d'une amputation ou d'une maladie de défiguration ?
    Elle planta son regard myosotis dans les yeux de l'homme, sans rougir pour une fois. Un sourire satisfait flotta sur ses lèvres.
    – À la première question, oui-da. J'ai toutes les perspicacités requises. Dieu me les a offertes. Il serait criminel, que dis-je, blasphématoire de ma part de n'en pas faire plein usage. Un don de Dieu ne se refuse pas plus qu'il ne se discute. À la seconde… tendre cœur. C'est à votre honneur. J'ai vu, monsieur, des parents éborgner leurs enfants, rouvrir leurs plaies suintantes pour les disposer aux porches des églises, amollir la commère, lui faire monter la main à la bourse.
    Assez ébranlé par ce qu'il entendait de la bouche d'une servante de Dieu, et toutefois au fait de ces mutilations volontaires destinées à apitoyer le badaud, Arnoldus tenta une riposte :
    – N'avez-vous pas vocation d'aimer les hommes pour servir notre Sauveur ?
    – Si fait, répondit-elle dans un rire bas. Cela étant, mes quantités d'amour disponible ne sont pas les Siennes. Je les réserve donc à ceux qui les méritent. (Changeant abruptement de sujet, elle s'informa :) Savez-vous, messire, combien de nouvelles sœurs je vais découvrir céans ?
    – Je ne crois guère me tromper en avançant le chiffre de trois cents moniales, peut-être un peu plus, dont des ex-fillettes communes 4 , une cinquantaine de novices et plus de quatre-vingts serviteurs laïcs…
    Le regard d'un bleu intense l'arrêta. Sans trop savoir d'où lui venait ce doute, il eut la désagréable impression d'avoir été mené. Il se rasséréna. La fréquentation du pouvoir, de ses fourberies et de ses savantes dérobades lui envenimait l'esprit au point qu'il voyait des maniganciers et des roués partout. Après tout, même éduquée, voire créditée d'une robuste intelligence, il ne s'agissait que d'une femme.
    – Fichtre ! Il fait un froid à fendre la pierre et la faim me ronge le ventre, lança-t-il. Invitons la portière laïque à nous faire pénétrer au plus vite.
    Complies était passé lorsque la servante huissière déboula dans le bureau de l'abbesse, tout juste précédée d'Adèle qui tentait de la ramener à davantage de mesure.
    – Not'bonne mère ! Ah, doux mignon Jésus ! éructa la grosse femme, l'œil rond, empli de stupéfaction réprobatrice. Ah vrai ! C'te pas du pareil au même que j'serine à vot'secrétaire. Ma, veut rin entendre !
    – Calmez-vous ma fille et expliquez-vous, temporisa Plaisance.
    – Ah, ben… J'devions surveiller l'huis de la porterie Majeure afin d'accueillir not'nouvelle apothicaire. J'l'avions fait, à vot'ordre. V'là t'y pas qu'arrive un fardier couvert, aux roues cerclées, comme çui d'un chanoine ou d'un évêque. Et, d'dans, y a une moniale qui cause pas tout à fait franc comme qui dirait, mais y a aussi un homme ! Pas un moine, not'bonne mère, un vrai homme en cheveux ! Un vieux. Du coup, z'ont eu beau clamer, j'a pas voulu les faire raculer dans la cour pavée. Y sont dehors du mur. J'm'a dit que ça sentait pas clair c't'histoire.
    Plaisance se leva en déclarant :
    – Eh bien, allons jeter un peu de lumière sur tout cela, ma fille. Je vous suis. Adèle, ordonnez aussitôt à deux serviteurs laïcs de nous rejoindre au plus vite. Sait-on jamais.
    Encadrée de deux hommes armés de serfouettes 5 et de torches, Plaisance s'avança vers le fardier couvert, aux roues cerclées de métal, tiré par quatre chevaux de Perche. Un bel attelage, ma foi. Étonnant pour le simple transfert d'une moniale. Elle sursauta lorsqu'elle entendit derrière elle les deux tours des lourdes clefs et le raclement de la traverse que l'on basculait contre les battants de la large porte. Cette couarde d'huissière venait de lui couper la retraite, le cas échéant ! Non, il ne s'agissait pas de poltronnerie. Elle l'avait fait sciemment, pour se venger du soir où Plaisance l'avait menacée du fouet.
    Un homme d'un âge certain s'avança, s'inclina devant elle, lui tendant un rouleau. Dans la lumière des torches, elle reconnut le large sceau papal.
    La tête toujours baissée, l'homme se présenta :
    – Arnoldus de Villanova* 6 , madame ma mère, votre humble serviteur qui requiert de votre abbaye la grâce de l'hospitalité. J'ai profité de la venue de votre nouvelle fille apothicaire pour m'imposer dans son fardier.
    La surprise cloua

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