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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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compagnon.
    – Ce que j'en dis, avec votre permission, c'est que, un jour, son noble cœur jouera un vilain tour à l'abbesse, lâcha Bernard, plus pour démontrer sa finesse au comte que par réelle inquiétude pour sa maîtresse.
    – Je le redoute aussi, concéda Aimery de Mortagne. Toutefois, en dépit de son jeune âge, elle est sagace stratège. Et puis, Dieu veille sur elle et tu L'aides.
    – À votre service, messire, déclara le messager avec componction.
    – Le monde serait bien plus aisé si des faces contrefaites signalaient à coup certain des âmes viles, promptes aux manœuvres dolosives. Toutefois, garde un œil sur ces quatre curiosités de foire.
    – Auriez-vous formé des soupçons, monseigneur ? osa Bernard en plissant des yeux.
    – Je me méfie, par principe, des coïncidences. Les contrefaits débarquent à la nuit. Suit la nouvelle apothicaire. S'ajoute à cela l'étonnante visite de monsieur de Villanova qui « profite » du transfert de la moniale vers les Clairets. Quelle soudaine agitation dans un coin de terre où si peu de choses se passent… Bah, nous verrons vite si je m'embrouille l'esprit avec des contes à faire peur !
    L'ombre de contrariété qui avait envahi son visage disparut soudain. Le long regard en amande, étiré vers les tempes, s'éclaira d'une lueur à la fois sauvage et gaie. Il se leva d'un mouvement si rapide que Bernard sursauta. Celui-ci était pourtant maintenant accoutumé à la vivacité de gestes du comte. Cet homme de haute taille, de robuste mais fine musculature, parlait et se mouvait avec une placidité extrême, une indolence trompeuse. Soudain, sans même que l'on ait eu le temps de réagir, sa dague était sur votre gorge, Bernard en avait fait la terrorisante expérience quelques semaines auparavant. D'un ton dont il ne parvenait que difficilement à atténuer la passion, le comte ordonna :
    – Venons-en à ce qui m'est le plus cher. Donne-moi des nouvelles de ma tendre mie. Se porte-elle à merveille ?
    – Si fait, monseigneur. Madame de Nilanay a été reçue par toutes en sœur aimée. Quelle effervescence a provoqué son arrivée inattendue ! Toutes quémandaient, avec plus ou moins de discrétion, des détails sur sa nouvelle vie. À la vérité, monsieur, je crois que la vivacité de leur ancienne sœur, Marie-Gillette, leur fait maintenant défaut.
    – Nulle ne tient donc rigueur à ma future épousée d'avoir menti sur son identité et son engagement religieux ? s'étonna le comte.
    – Pour ce que j'en juge, certes pas. Toutes ont compris la mortelle nécessité dans laquelle madame de Nilanay s'était débattue. Sœur Marie-Gillette avait parfois… euh…, hésita Bernard.
    Sa franchise ne serait-elle pas interprétée comme une discourtoisie à l'égard de la future comtesse ?
    – Eh bien, poursuis donc.
    – De charmantes impertinences qui lui valaient les feintes gronderies de l'abbesse et l'exaspération d'Adélaïde Baudet, l'une des sœurs cherches, mais la tendresse complice, quoique prudente, de la plupart des moniales. C'est qu'on ne rit pas beaucoup en ce lieu, monsieur.
    – Si les couvents abritaient des congrégations de joyeux plaisantins, nous réclamerions tous la tonsure !
    – Pour ce que j'en sais, certains mènent plaisante existence entre leurs murs, au point que le pape dépêche des émissaires pour assagir moines et moniales et les ramener à une saine austérité.
    – Il est vrai. Bernard… Que ta surveillance sur monsieur de Villanova ne se relâche pas. Je veux être informé de ses moindres faits et gestes. Cette arrivée est suspecte. Je vais en informer mon grand bailli, Charles d'Ecluzole. Quant à madame de Nilanay, ne l'oublie pas : elle est si précieuse à mon cœur qu'elle doit être protégée du plus infime désagrément. Tu me réponds de sa sécurité sur ta vie.
    – Il en sera fait à vos ordres, mon maître.
    1 Fenêtres groupées par deux mais séparées par un mince intervalle de pierre.
    2 Voir Monestarium, op. cit.
    3 À l'origine, « lépreux ». Le terme évoquant la perte de sensibilité cutanée provoquée par la maladie, il a ensuite désigné les avares ou les gens insensibles sentimentalement.
    4 Contraction acceptable de « par la mort de Dieu », jugé blasphématoire.
    5 De postestate : « homme libre », souvent des paysans sans terre, qui font volontairement allégeance à un seigneur.

Abbaye de femmes des Clairets,Perche, février

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