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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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échappa des mains et que sa pointe taillée, aiguë, lui érafla l'index.
    – Je… recomptais, bafouilla Rolande en rougissant.
    – Je le vois bien. Vous êtes si scrupuleuse. Clotilde Bouvier s'inquiétait de ne pas vous avoir vue de l'après-midi. Vous deviez, je crois, la rejoindre au sujet d'une liste d'achats réglés au vivandier. Du coup, je lui ai dit que si je vous croisais, je vous préviendrais.
    – Et je vous en remercie, sourit la dépositaire qui avait regagné un peu de calme. Je prévoyais de la rejoindre dès après avoir vérifié mes sommes.
    – Je ne sais comment vous procédez pour parvenir toujours à un résultat juste au denier près. Je crois bien que je suis irrémédiablement fâchée avec les nombres.
    – Ils sont pourtant bien plaisants et dociles, répondit Rolande d'une voix douce et triste.
    Barbe Masurier repartit vers ses occupations.
    Le regard de Rolande tomba sur son registre. Une large goutte de sang avait coulé de son index, maculant ses résultats fautifs telle une malfaisante étoile carmin. L'affolement suffoqua la dépositaire et elle fondit en larmes.
    1 Maintenant remplacé par la brosse en chiendent appelée « bouchon ».
    2 Une somme appréciable.

Abbaye de Dame-Marie,Perche, février 1308, ce même jour
    Le voyage avait été éprouvant. Son hongre s'était enfoncé à maintes reprises, jusqu'aux genoux, dans une neige molle et trompeuse. Arnoldus de Villanova avait dû faire une partie du chemin à pied afin de ne pas alourdir l'animal qui donnait de la crinière, les yeux révulsés, hennissant de crainte lorsque ses jambes se dérobaient sous lui. Un épais silence de neige engloutissait les sons de la forêt, au point que le vieux scientifique s'était senti seul au monde. Une désagréable solitude, le sentiment que la vie avait déserté ce paysage trop hostile.
    Il était arrivé à la porterie de l'abbaye juste avant none. De taille bien plus modeste que les Clairets, le monastère sécrétait une impression de pesante solitude, impression que n'avait pas atténuée le court chemin qui menait du porche principal au logement de l'abbé. Un serviteur laïc, aussi muet qu'une tombe, l'avait précédé, l'exhortant parfois à presser l'allure d'un geste vif de la main, sans même le regarder.
    Le père Jacques de Liège, d'une soixantaine d'années, soupira lorsque monsieur de Villanova se présenta brièvement et lui tendit le billet de mission rédigé de la main de Clément V. Un feu généreux flambait dans la grande cheminée du bureau de l'abbé. Monsieur de Villanova se fit la réflexion que l'austérité était ici moins impérieuse qu'aux Clairets. À moins que Jacques de Liège fasse montre de complaisances vis-à-vis de lui-même. Tel était le cas dans de nombreuses abbayes où abbés et frères discrets jouissaient de petits privilèges qu'aucun des autres moines n'aurait songé à contester.
    – Votre belle réputation s'est frayé une route jusqu'à notre bout du monde, monsieur. Je vous l'avoue, sans détours, votre venue m'ôte un poids considérable des épaules. Nous sommes une petite congrégation, agitée de peu de bouleversements. Je ne crois pas me souvenir d'une seule occasion où la paisible monotonie de nos jours ait été rompue. (Il étouffa un rire triste et précisa :) Rendez-vous compte, le simple fait que deux moines aient risqué une fugue hors nos murs constituait déjà une folle extravagance. Alors cela…
    – Justement, qu'est cela ? demanda monsieur de Villanova d'un ton de cordialité.
    – Que vous a-t-on narré de cette sinistre histoire ?
    – Qu'un de vos fils, ancien enlumineur et copiste, un certain Henri, avait bradé son âme afin d'obtenir la vie éternelle et la restitution de sa belle main déformée par la vieillerie, en échange de la vie de son jeune frère Gilbert.
    – Voilà admirablement résumé nos interrogatoires. Henri a commencé par nier, ainsi que vous le savez probablement. La menace de la maison de l'Inquisition l'a favorablement impressionné, croyons-nous, à moins que ses aveux n'aient été qu'un délire sénile.
    – Comment cela ?
    – Ah, monsieur… n'interprétez pas faussement mes paroles, cependant… Certes, nous savons tous que le mal rôde afin de tenter les bons chrétiens et de les écarter de la sainte foi. Nous avons tous tremblé à l'évocation de cas de possession, mais…
    Arnoldus de Villanova comprit que le pauvre abbé se méfiait de ses propres

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