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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qu'une lingerie et je la supervise ! Je reçois tout le linge et le recense dans mon registre. Il est lavé, séché. Puis les servantes laïques attachées à mon service et moi-même le repassons avant de le restituer en le biffant du registre, pièce par pièce, afin que nulle contestation ne puisse surgir. Une belle organisation qui satisfait tout le monde, ajouta-t-elle d'un ton belliqueux.
    – Mes félicitations, ironisa Mary de Baskerville, avant de planter là la lingère qui lui portait sur les nerfs.
    Hermione relevait des pesées dans son grand registre lorsque Alexia de Nilanay déboula, une sueur de course fonçant la racine de ses cheveux malgré le froid mordant du dehors. Hésitant entre mille entrées en matière toutes plus ineptes les unes que les autres, Alexia lança à brûle-pourpoint :
    – Nous sommes en grand danger… Coupées du monde par la neige… Je ne sais que faire… c'est une fable insensée. Malheureusement, je la crois authentique.
    Hermione la considéra, un peu inquiète, et s'enquit d'un ton paisible :
    – Je ne comprends guère votre discours, ma chère Marie-Gil… Votre pardon, Alexia. Apaisez-vous. Asseyons-nous et contez-moi votre histoire par le menu. Rien ne peut être si terrible…
    Lèvres serrées, Alexia la détrompa d'un vigoureux mouvement de tête. Elle lui tendit la courte missive destinée au comte de Mortagne, précisant :
    – Je vous l'expliquerai ensuite.
    Le saisissement, l'incompréhension, l'appréhension se succédèrent sur le joli visage étonnamment juvénile pour une femme de plus de trente ans. Hermione leva le regard et s'enquit d'une voix plate :
    – Ai-je bien compris, en dépit du luxe de précautions avec lequel vous narrez votre… découverte ?
    – Je le crains.
    – Racontez-moi tout, n'omettez pas le plus infime détail.
    Il fallut à Alexia fournir un effort prodigieux pour ordonner le chaos qui régnait dans son esprit. Elle relata mot pour mot la conversation bouleversante qui s'était échangée entre Arnoldus de Villanova et son compagnon Frédéric, soi-disant messager. Elle termina en évoquant sa tentative avortée de faire prévenir le comte de Mortagne et le départ précipité au petit matin du médecin des rois et des papes.
    Elles se considérèrent en silence durant un long moment. Hermione le rompit enfin :
    – Je… je dois quitter les Clairets, sur ordre de l'abbesse. Dès que le temps le permettra. Ne m'en demandez pas la raison, je vous en conjure. Je détesterais vous mentir.
    Alexia bondit de son banc en s'écriant :
    – Cela ne se peut ! Vous êtes la seule… Ah, Dieu du ciel, qu'allons-nous devenir si vous partez ?
    – Mary de Baskerville me remplacera au mieux. Elle est brillante, je l'ai constaté.
    – Je ne la connais point ! De surcroît, c'est une Angloise. Peut-on se fier à ces gens-là au prétexte que, pour une fois, nous ne sommes plus en guerre ?
    – Ce n'est pas une Angloise, du moins pas seulement, rétorqua Hermione d'un ton calme. C'est une sœur, une bernardine, une scientifique de la plus belle trempe. Très franchement, je l'avoue sans envie, mais avec admiration, son intelligence dépasse la mienne. De beaucoup. Certes, elle n'est pas attachante. Qu'importe. Si nous ne nous fourvoyons pas au sujet de ce que vous avez surpris, l'heure n'est plus à l'amabilité, mais à l'efficacité.
    La décision d'Alexia était prise, elle éclata :
    – Vous ne nous quitterez pas ! Ah, que nenni ! Je vais aller convaincre notre mère qu'il s'agit d'une redoutable stupidité. De ce pas ! La pire qu'elle pourrait commettre. Je ne m'en laisserai pas remontrer ! Foi de Nilanay ! Nous sommes pauvres, mais braves !
    Elle fonça hors de l'herbarium sans entendre la remarque d'Hermione :
    – Vous ferez une belle comtesse, murmura l'apothicaire lorsque Alexia eut disparu.
    Assise sur un muret, Henriette Masson avait feint de s'absorber dans la lecture de son psautier afin de surveiller les allées et venues dans la chapelle Saint-Augustin, où reposait le corps lavé de Blanche de Cerfaux, revêtu d'une nouvelle robe et d'un voile qui dissimulait la hideur de ses plaies béantes. Enfin, le défilé des sœurs venues rendre leur dernier hommage à la novice assassinée s'était tari. L'appréhension gagnait Henriette. C'était le moment d'intervenir.
    Pourquoi ne se montrait-elle pas ? Était-elle parvenue à se procurer ce que la jeune fille l'avait implorée de lui

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