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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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été investi d'un pouvoir par un ennemi redoutable et dépourvu de crainte.
    D'un ton de courtoisie, il rétorqua :
    – Votre bravacherie ne m'étonne pas. Cela étant, je doute qu'elle vous soit d'une grande aide face à vos juges inquisiteurs.
    – Je ne les redoute pas.
    – Vous avez pourtant tremblé à leur mention durant vos premiers interrogatoires.
    Frère Henri haussa les épaules et concéda :
    – C'est que je n'avais pas eu le temps de soupeser ma situation.
    – Et tel n'est plus le cas ? demanda le médecin en s'avançant vers le prisonnier.
    – En effet.
    Dans la lumière irrégulière, Arnoldus de Villanova découvrit un vieillard aux flasques bajoues, au crâne chauve, alourdi par une chair trop abondante. Il n'aima pas les yeux trop rapprochés du nez, la bouche sèche et arrogante, bien trop petite pour ce gros visage.
    – Et que vous a indiqué cette… pesée ?
    – Que j'aurais grand tort de me ronger les sangs. N'y voyez nulle irrévérence de ma part, monsieur. Cependant, je n'ai guère envie de discuter avec vous.
    Arnoldus de Villanova sentit que la terreur et le désespoir de frère Henri avaient trouvé un antalgique. Il avait décidé de se croire intouchable. La seule parade consistait à le détromper au plus preste et à le replonger dans sa peur abjecte, et justifiée : la Question, qui ne manquerait pas de lui être infligée.
    – Voilà un manque de prudence qui me surprend. (Le savant pouffa.) Quoi ? Que croyez-vous ? Que ce fameux cavalier noir vous va secourir ? Vous vous trompez gravement. Vous l'avez déçu. Vous n'avez pas honoré votre part de l'immonde marché que vous aviez conclu. Il ne vous le pardonnera pas. Je le traque depuis si longtemps que, pour mon plus terrible accablement, je le connais comme un frère.
    – Peu importe qu'il me pardonne.
    Un rire satisfait s'échappa du grand homme gras.
    – Vous vous leurrez. Vous ignorez qui il est au juste, argumenta le médecin.
    – Encore une fois, peu importe.
    La suffisance imbécile de frère Henri formait une tenace carapace. Fendre la carapace. Exposer sa vulnérable nature humaine. La chair de l'homme sait si bien souffrir. La chair de l'homme hurle en flots pourpres. Arnoldus n'ignorait rien du raffinement de certaines tortures. Il les avait craintes pour sa propre chair. Il énuméra d'un ton léger :
    – Selon moi, après les supplices habituels, l'estrapade 4 par exemple, ou encore celui du fer rouge et de l'eau, les bourreaux de l'Inquisition en viendront à vos mains. Cette maladie déformante des articulations fait terriblement souffrir, n'est-ce pas ? Je la subis un peu, moi aussi. Qu'il doit être intenable d'avoir les doigts lentement broyés dans un étau !
    Un autre pouffement, teinté cette fois d'une indéniable agressivité :
    – Vous ne me faites pas peur !
    Forçant un sourire supérieur, Arnoldus de Villanova joua son va-tout. Il venait de comprendre que, dans la solitude de son cachot, frère Henri s'était convaincu de posséder une chose irrésistible aux yeux d'Arnaud Amalric, le cavalier noir. Une chose négociable.
    – Je crois le contraire. Vous pensez avoir un moyen de pression contre messire Amalric, un nouveau marché à lui proposer. La croix de Béziers, peut-être. Sans doute pensez-vous savoir où elle se trouve. (Arnoldus de Villanova surprit la légère crispation des lèvres molles de frère Henri. Il avait visé juste.) Je vous le répète, vous ne le connaissez pas. Nos enquêteurs ont passé des années à flairer, à remonter sa piste. Vous n'avez pas la moindre idée de l'étendue de ses pouvoirs. Il est trop tard pour vous. Il sait qui vous êtes, d'où vous venez. Il n'a plus besoin de vous.
    – C'est faux ! hurla frère Henri, défiguré de rage. Il ignore ce que j'ai appris. Sans moi, sans mes découvertes, il…
    Le vieux moine s'interrompit soudain. Arnoldus perçut son souffle désordonné. D'une voix faussement posée, le vieil enlumineur reprit :
    – Avec mon respect, vous empiétez sur mon temps de réflexion, monsieur. Brisons-la, je vous prie.
    Arnoldus de Villanova n'insista pas, certain qu'un mur de silence lui serait maintenant opposé. Quelle importance ? Il avait appris ce qu'il était venu chercher.
    Il frappa du plat de la main contre la lourde porte rébarbative.
    Un raclement de clefs. Il éteignit les deux torches et lança, sans se retourner :
    – Dieu vous jugera. Je ne doute pas qu'il sera féroce.
    Un

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