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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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grondement qui se rapproche ?
    Il ne le percevait pas mais ne doutait pas une seconde qu'elle le puisse.
    Éloi s'installa à ses côtés sur le lit et elle se blottit contre lui. Les tremblements qui agitaient son petit corps maigre s'apaisèrent peu à peu. Il comprit soudain l'amour et la sorte de fascination qui liaient l'homme-loup à l'enfante. Durant ces instants suspendus dans le temps, lorsqu'il calmait les peurs de l'enfante, il existait. L'univers ne pouvait plus rien contre eux. Enfin, Claire l'autorisa à la quitter afin d'aller quérir les autres.
    Le chagrin accablait Marguerite Bonnel. Le sommeil la fuyait depuis le décès de Rolande. Des gloussements ponctuaient parfois les sanglots qui l'étouffaient. Dieu comme elles avaient fait les folles lorsque sa cadette était encore fillette. Leurs parties de cache-cache, de pigeon-vole, les histoires à dormir debout, mêlant dragons, princesses, elfes et lutins, que Marguerite inventait au soir pour endormir la petite fille. Pourquoi tout était-il devenu soudain si laid, si effrayant ? Elle était maintenant désespérément seule, elle qui avait cru en terminer avec la solitude en quittant son ancien couvent de Clairmarais pour rejoindre Rolande à sa demande. Quel bonheur de la revoir enfin, après toutes ces années de séparation, de rejoindre pour un temps leur magnifique passé que les années n'avaient jamais terni. Elles étaient tombées dans les bras l'une de l'autre dans le parloir, se saoulant de mots, profitant de cette courte tolérance de bavardage profane avant de rejoindre le cloître. Elles s'étaient interrompues de « Et te souviens-tu, quand… ? » ; « Et te rappelles-tu ce petit chemin… ? » ; « Et l'étang, lorsque nous surveillions la métamorphose des têtards… ? », et. Et… et Rolande avait trépassé, la laissant solitaire, en proie à ce froid intérieur qui lui remontait dans le ventre. Sortir d'ici. Sortir de son minuscule bureau de l'hôtellerie dont les murs paraissaient se rapprocher sournoisement pour la broyer. Il lui semblait que l'air se raréfiait, qu'il se dérobait. Elle passa son escoffle doublée de lapin élimé. Des noms défilèrent dans son esprit, des visages, aucun ne convenant. Enfin, le sourire avenant et enjoué d'Élise de Menoult, sœur chambrière, s'imposa. Rejoindre Élise, l'allégresse qui transparaissait sous chacun de ses mots, de ses gestes. Se repaître d'un peu de chaleur et de cordialité, même si la chaleur ne pouvait plus persister. La chaleur était morte avec Rolande.
    Une fois dehors, dans le pingre matin laiteux, Marguerite interpella une novice qui traversait les jardins du cloître. La jeune fille, intimidée, lui répondit avoir croisé la sœur chambrière qui se dirigeait vers l'infirmerie. Des petits papillons de neige tombaient sur son visage gracieux, lui faisant cligner des yeux. Elle se plia en révérence et trottina vers le noviciat. L'hôtelière reprit sa progression à pas lents et lourds. Elle avait aimé Dieu toute sa vie, presque autant que Rolande. Cet amour l'avait portée, l'avait préservée des aigreurs, des mauvaises pensées, sans même qu'elle dût fournir un effort pour les éviter. La Lumière était en elle et la comblait. Où donc avait fui la Lumière ? Pourquoi avait-il fallu qu'elle disparaisse soudain et à jamais ?
    Elle s'engouffra dans le passage ménagé entre l'escalier, qui montait au dortoir des moniales, les étuves et le chauffoir, puis déboucha dans les jardins de l'infirmerie. Les deux nains protégés de l'abbesse s'inclinèrent sur son passage. Elle ressentit soudain l'impérieuse envie de leur dire quelques mots. Après tout, n'étaient-ils pas frères en misère ? Elle, eux. Du moins eux avaient-ils eu le temps de s'accoutumer à leur désespoir. Ne sachant quel sujet aborder, elle lança :
    – Allez-vous bien ?
    – Si fait, madame ma sœur, répondit la naine en baissant la tête.
    – Je… J'approuve de tout cœur la bienveillance de notre excellente mère à votre égard. Elle est bonne, soyez-en certains. Elle s'efforce de rétablir ici-bas, dans notre petit coin de terre, un peu de justice. Montrez-vous-en reconnaissants. Dieu… Il ne peut s'occuper de chacun et de tous à tout instant. Il nous revient la charge de L'aider de nos efforts.
    Un regard noisette se riva au sien, sérieux et pénétrant. Éloi répondit d'une voix amie :
    – Nous lui en sommes infiniment r'connaissants, m'dame ma

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