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La croix de perdition

La croix de perdition

Titel: La croix de perdition Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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sœur. À jamais. Pour nous, pauv'es déformés sans défense, elle a bravé de vilaines mâchoires. Pour ça et pour l'reste, elle est bénie.
    – Amen, approuva Marguerite en refoulant les larmes qui lui piquaient les yeux. Je… Je cherche notre bonne sœur chambrière. Elle est charmante, le sourire toujours aux lèvres… peut-être la connaissez-vous.
    – Si fait, répondit Sidonie. Un éclat d'soleil au plein de l'hiver. Ça manque souvent.
    Marguerite pouffa :
    – Quelle jolie description dans laquelle je la retrouve à la perfection. L'avez-vous aperçue ce tôt matin ?
    – Oui-da. M'a paru qu'elle allait bon train vers la bibliothèque ou la salle des r'liques. J'sais pas trop. La bonne sœur nous a adressé un p'tit signe, comme à son us.
    – Ah ? Eh bien, je m'en retourne sur mes pas, en ce cas. Une bonne journée à vous. Servez loyalement notre mère.
    Songeuse, Mary de Baskerville contemplait la pierre tombale sous laquelle reposait Rolande Bonnel. Un simple bloc de pierre gris tendre, gravé sans art et à la hâte par un serviteur laïc, en attendant qu'arrive celle que l'on commanderait – dès que la neige aurait fondu – au tailleur de pierre de Mortagne. Sous les initiales de la dépositaire, une épitaphe en abrégé : « Rej m ars, D et m b-ai M ». L'Angloise jongla avec les mots tronqués avant de parvenir à une traduction qu'elle espérait fiable : « Je rejoins mes amours, Dieu et ma bien-aimée Marguerite ». Fiable : peut-être. Déroutante : à n'en point douter. Aux dernières nouvelles, Marguerite Bonnel était bien vive. Il était vrai que tant des femmes d'une même famille héritaient du prénom d'une ancêtre. Les prénoms féminins étaient peu variés puisqu'on se préoccupait moins de nommer les femelles. D'autant que rien ne pouvait exclure une faute de la part du graveur improvisé, sans doute un forgeron ou un menuisier réquisitionné pour l'occasion, ne sachant ni lire ni écrire et se contentant d'imiter les lettres du modèle qu'on lui offrait. Toutefois, la perplexité de madame de Baskerville méritait des éclaircissements.
    Marguerite Bonnel gravit en soufflant les quelques degrés qui montaient au vestibule ouvrant sur la salle de lecture. On y suspendait les pèlerines trempées et on y ôtait parfois ses socques boueuses afin de ne pas risquer d'endommager les livres ou de traîner de la boue sur le parquet ciré de la bibliothèque. Une escoffle était pendue. Marguerite se déchaussa en hélant :
    – Élise ? Êtes-vous là ? Je m'en voudrais de vous déranger durant une consultation.
    Seul l'écho de sa voix lui répondit.
    Marguerite poussa les deux battants qui menaient à la salle de lecture. D'abord, durant un infime instant, son sourire se figea de déception. La femme qui la contemplait, assise dans une chaire, n'était pas Élise, mais une autre sœur qu'elle n'appréciait guère. Pourquoi une large tache rouge brun maculait-elle tout le devant de sa robe blanche ? Ensuite, elle comprit que les yeux qui la fixaient étaient morts. Elle songea qu'ici et maintenant était l'enfer. Les lattes du plancher foncé l'attirèrent à elles. Elle s'écroula. Bienveillante inconscience.
    Alertée par les exclamations outrées d'Adèle Grosparmi, Plaisance de Champlois sortit de son bureau.
    – Vous ne monterez pas, vous dis-je ! Où vous croyez-vous ? Qui vous croyez-vous pour exiger ainsi audience de notre mère ? Elle est bien trop bonne, si vous voulez mon sentiment, et vous êtes du genre à avaler la main qui vous tend le pain.
    Sidonie, poings sur les hanches, nullement décidée à s'en laisser remontrer, rouge de colère, criait en retour :
    – Elles sont mortes, j'vous dis ! Toutes les deux. Si c'est pas une pitié d'être si butée qu'une buse !
    Une onde glacée noya le cerveau de Plaisance. Elle dévala l'escalier qui conduisait au bureau de sa secrétaire et à l'ouvroir. Dès que l'abbesse fut à sa hauteur, la naine se précipita vers elle, enserrant sa taille de ses bras, posant son front sous sa poitrine, en chuchotant :
    – Oh, m'dame ma mère. C't'affreux ! Elles sont trépassées. Faut v'nir sur l'instant. Dans la bibliothèque.
    Plaisance, sans même l'interroger, fonça à sa suite. Durant le temps de leur course, Sidonie expliqua d'une voix hachée :
    – Avec l'Éloi, on a vu m'dame Marguerite se rendre à la bibliothèque. Nous avait d'mandé où qu'elle pourrait trouver la gentille dame

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