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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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beuverie bien éclairée par des bandes armées de torches ! Qui peut savoir si l'on ne viendra pas nous égorger avant l'heure du rendez-vous ?
    — Alors tout sera dit et nous mourrons tous les trois ensembles !
    conclut Gauthier paisiblement.
    En effet, la fête sanglante de la journée sembla vouloir tourner en bacchanale. Quand la nuit fut là, plus rouge que noire à cause du grand rassemblement de lumières sur la Grand-Place, les chants, les rires et les cris de mort continuèrent d'emplir l'air.
    Angoissés et silencieux, Catherine et les garçons mangèrent du bout des dents un peu de pain et de viande froide. Les servantes n'étaient pas revenues, pas plus que le valet. En bas, les gardes chantaient, buvaient et portaient des toasts bruyants et dégoulinants de bière auxquels se mêlaient des voix de femmes. L'une d'elles cria :
    — J'vais aller tout cadenasser là-haut et je reviens ! Y a pas de raison pour qu'on se prive de s'amuser nous autres...
    Un instant plus tard, la cuisinière reparaissait. Elle avait déjà beaucoup bu ainsi que le proclamaient son bonnet en bataille d'où coulaient de longues mèches de cheveux et sa trogne enluminée. Son corsage largement ouvert laissait voir deux énormes seins sauvés seulement par leur volume d'un total découragement.
    Riant et chantant, elle entra dans la salle et, sans plus s'intéresser à ses occupants que s'ils n'avaient pas été là, elle cadenassa les volets de toutes les pièces puis, raflant au passage, sur la table, un pichet de vin, en but ce qu'il en restait à la régalade avant de l'envoyer rouler, vide, sur le dallage. Après quoi, toujours chantant, elle sortit sans oublier de fermer soigneusement la porte derrière elle. Les verrous claquèrent, la clef cria dans la serrure puis on l'entendit descendre l'escalier.
    Gauthier, alors se mit à rire.
    — On dirait que nos fidèles servantes ont décidé de faire la fête avec ces messieurs de la chaussure. C'est une bonne chose. Au moins nous pouvons être sûrs qu'elles ne nous entendront pas quand nous monterons là-haut.
    — À moins qu'elles ne reviennent et s'aperçoivent que nous ne sommes plus là, murmura Catherine qui sentit grandir son angoisse.
    Elle avait peur, à présent, de cette ville qu'elle sentait devenue folle autour d'elle. De vieux souvenirs, qu'elle croyait bien oubliés, remontaient des profondeurs de sa mémoire. Elle savait, d'expérience, à quel degré de brutalité et de cruauté pouvait se laisser aller une foule en révolte. S'ils étaient surpris pendant leur évasion, ils seraient impitoyablement abattus sur place, et Saint-Rémy avec eux...
    — Bah ! dit Gauthier. Elles seront bien trop saoules pour s'apercevoir de quoi que ce soit.
    — Ne vous y fiez pas. Il y a des ivrognes qui voient bien plus clair que vous ne pensez... dit-elle, se souvenant de la grosse Marion, la servante de ses parents qui après boire, un soir de fièvre à Paris, avait déchaîné le malheur sur leur maison du Pont-au- Change1. Je vais me reposer un peu en attendant l'heure, puis je me préparerai.
    1 Voir 11 suffit d'un amour.
    — N'oubliez pas de mettre votre robe de moine, rappela Gauthier. Il ne manquerait plus que les Augustins vous jettent dehors.
    Un peu avant onze heures, Catherine qui s'était étendue tout habillée sur son lit se releva quand Gauthier vint frapper à sa porte.
    Par-dessus la robe sombre, qu'elle portait, et à la ceinture de laquelle elle attacha son aumônière contenant ce qu'elle possédait d'argent et sa dague, elle enfila le froc noir puis, ouvrant sa porte, rejoignit les deux garçons.
    Armé d'une chandelle dont il protégeait la flamme de sa main, Gauthier ouvrit la marche se dirigeant vers l'escalier qui menait à l'étage supérieur et aux greniers. Avec ses volets clos, la maison était noire comme un four et l'air y était étouffant. En bas l'orgie continuait mais ses participants devaient sombrer peu à peu dans le sommeil si l'on en jugeait par l'affaiblissement progressif des chants et des cris.
    Tandis que l'on montait l'escalier, Catherine sentait le rythme de son cœur s'accélérer. Peu craintive d'habitude, elle avait cependant peur de ce qui l'attendait. Saurait-elle marcher sur l'étroite corniche jusqu'à la maison voisine, franchir l'angle qui la mettrait hors de vue des gardes du quai ? Et le toit au bord duquel il allait falloir marcher était-il suffisamment caché dans l'obscurité pour que leur sortie par la lucarne

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