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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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exténué. Les élancements si douloureux de son cœur, avant l'arrivée de Gauberte, s'étaient un peu calmés. Puisque ses enfants étaient hors de portée de l'homme qui la bafouait si cruellement et si publiquement, la blessure était moins cruelle. La colère la sauvait du chagrin et elle savait que demain, quand elle serait moins lasse, elle devrait lutter contre des envies de meurtre, contre la folle impulsion de rameuter les seigneurs d'alentour pour les jeter à l'assaut de son propre château... Mais, après tout, pourquoi donc lutter ? Ne serait-il pas temps, enfin, d'abandonner ce rôle d'épouse trop tendre et de faire payer, une bonne fois pour toutes, à son infernal époux tout ce qu'il lui avait fait endurer en six ans de mariage ?
    Ce fut sur cette pensée réconfortante qu'elle s'endormit.
    Quand l'aube d'un beau jour d'été habilla de mauve les lointains de la Châtaigneraie et fit surgir sur la première clarté du levant les murailles noires de Montsalvy, Catherine et ses compagnons avaient déjà quitté leur abri odorant et, après de rapides ablutions dans l'eau fraîche de l'étang, prenaient à travers champs pour rejoindre le chemin menant vers les profondeurs de la vallée du Lot, faille profonde au-dessus de laquelle se dressaient les tours antiques de Roquemaurel.
    Tout en marchant, pas bien vite car le chemin étroit, encaissé et difficile, ne permettait guère les allures rapides, on fit honneur aux petits fromages et au pain de Gauberte et quand le soleil bondit comme une balle de feu par-dessus les monts on avait déjà fait un bout de chemin.
    Jamais, la campagne n'était apparue aussi belle, aussi amicale à Catherine. L'été adoucissait les pentes rudes d'une chatoyante végétation. Les croupes rondes étaient roses de bruyère, éclataient dans la gloire dorée de leurs genêts cependant que des foisonnements verts jaillissaient de toutes les failles et tapissaient les étroites et mystérieuses vallées qui plongeaient vers la grande coupure du Lot.
    Il n'y avait que peu de cultures. La terre légère et peu profonde sur son ossature de rochers ne produisait guère que du seigle et de l'avoine mais, dans les multiples petits ruisseaux qui bondissaient de rocher en rocher, les truites scintillaient et, à la bonne saison, les bois embaumaient le champignon... Le regard de la jeune femme fouillait l'horizon, s'attardant sur un filet de fumée voltigeant au-dessus d'un toit, sur la pointe aiguë d'une poivrière, les rares demeures de schiste et de grès qui ponctuaient l'immense paysage, cherchant à deviner quel toit Josse Rallard avait choisi pour abriter ses enfants. La tentation était grande de s'arrêter un peu partout, de demander, mais Bérenger l'en avait dissuadée.
    — Je serais bien étonné que ma mère ne sache rien. Et si cela était nous lancerions mes frères à leur quête. Et puis... ils sont peut-être chez nous...
    Pourquoi pas, en effet ! Les trois Roquemaurel : la mère, Mathilde et les deux garçons, Renaud et Amaury, étaient peut-être les seuls de la région dont les caractères fussent encore plus difficiles que celui de Montsalvy. Ni sa puissance ni ses talents d'homme de guerre ne les impressionnaient. Recueillir ses enfants contre sa volonté pouvait les séduire...
    On passa donc sans s'arrêter près du bourg de Junhac, au-dessus des quatre tours de Sénézergues érigées au bord d'un gouffre de verdure, on aperçut de loin la masse redoutable de la puissante citadelle de Calvinet puis, par Cassaniouze, on dévala un petit sentier aux pierres instables qui semblait se perdre dans les profondeurs des gorges du Lot mais qui, en fait, n'allait pas plus loin que Roquemaurel. Après lui la montagne se faisait falaise et un précipice terminait la route...
    Le vieux château fort dont les murs roussâtres avaient vu le départ des premiers croisés pour la Terre Sainte surgit devant eux dans la chaleur de midi avec ses tours hargneuses et son gros donjon, un peu écorné par le temps peut-être mais qui assis sur son éperon au bord du vertige gardait fière allure sous sa bannière d'azur où brillaient le chevron et les trois rocs échiquetés d'or de ses maîtres. Le ciel était si bleu d'ailleurs que chevron et rocs avaient l'air imprimés à même le ciel... Sous tant de splendeur Roquemaurel ressemblait à ces beaux vieillards qui rêvent au soleil, les yeux mi-clos, un vague sourire aux lèvres, paisibles et rassurants mais qui, lorsqu'ils

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