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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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se relèvent, déploient une taille imposante et des muscles encore redoutables, faits d'un vieux bois durci aux intempéries.
    Son sourire, ce jour-là, c'était son pont-levis baissé, les deux soldats qui, tête nue et le pourpoint de cuir grand ouvert, jouaient aux dés sous l'ombre fraîche de la voûte et, dans la prairie en contrebas, une petite troupe de lavandières, cotillons retroussés, occupées à émailler l'herbe d'une grande lessive toute neuve. Debout au bord du sentier, une corbeille vide sur la tête et un poing à la hanche, une grande femme brune en camisole blanche et jupon de toile bleue leur inspirait l'ardeur au travail en les houspillant sévèrement :
    — Trois heures pour étendre deux draps et une douzaine de torchons !... Si ce n'est pas malheureux ! Regardez-moi ces empotées !
    Allons, la Nicole, un peu de nerf !... On nous attend là-haut.
    Entendant rouler les pierres du chemin sous les pas des chevaux elle se tourna du côté où venait le bruit, abritant ses yeux de sa main sous le bavolet de sa coiffe de lin blanc.
    — Qui nous arrive là ?...
    Mais déjà elle le savait. Un cri jaillit de sa gorge, en contrepoint du
    « Sara !... » qu'avait lancé celle de Catherine ivre de joie. La jeune femme sautait déjà à bas de son cheval et, trébuchant dans les ornières tant elle mettait de hâte, courut se jeter dans les bras de celle qu'elle avait toujours considérée comme sa seconde mère.
    Figés auprès des chevaux, Gauthier et Bérenger regardèrent un long moment les deux femmes s'étreindre et s'embrasser, liées l'une à l'autre par leur profonde tendresse et qui semblaient ne plus jamais devoir se séparer.

    Se souvenant alors de ses devoirs d'hôte, le page enveloppa le vieux bourg et le vaste paysage d'un geste plein d'orgueil.
    Comment trouves-tu Roquemaurel ? Ce n'est pas si mal, n'est-ce pas
    ?...
    —
    Maman est revenue ! Maman est revenue !...
    —
    Assis dans le lit qu'il partageait avec sa petite sœur, Michel se balançait en chantonnant pour lui tout seul et en contemplant avec ravissement Sara qui, armée d'une brosse et d'un peigne, était occupée à débarrasser la chevelure de Catherine de toutes les poussières du chemin. Il avait toujours adoré sa mère qui représentait pour lui quelque chose de fabuleux, une créature semi-divine à mi-chemin entre les fées qui peuplaient les contes de la vieille Donatienne et les anges dont on lui parlait au monastère.
    —
    Depuis qu'elle avait disparu de son univers enfantin, le petit garçon, en dépit de la tendresse que lui manifestaient toutes les femmes de son entourage, éprouvait une curieuse impression d'abandon. Il y avait un vide dans son « intérieur » comme il avait essayé de l'expliquer à Sara, un vide que le retour de son père n'avait pas comblé...
    En revoyant Arnaud, d'ailleurs, il n'avait pas eu réellement conscience que ce fût là son père. Cet homme sombre qui l'avait serré contre sa poitrine avec une âpreté sauvage, cet homme dont il ne reconnaissait qu'un profil pouvait-il être le même que le joyeux compagnon de l'an passé qui se roulait avec lui dans les champs pleins de pâquerettes roses lorsque personne ne les voyait ?
    Mais quand, tout à l'heure, Catherine était apparue au bras de Sara dans la cour du château où il jouait avec un tas de sable, son cœur avait bondi dans sa poitrine parce que, dans le grand ruissellement de soleil qui l'enveloppait, sa mère était bien telle qu'il l'avait toujours attendue. Et il n'avait pas compris du tout pourquoi elle s'était mise à pleurer en l'embrassant. On pleure seulement quand on a du chagrin, ou bien quand on s'est fait mal. Et encore ! Même dans ce cas-là, un vrai garçon se devait à lui-même de retenir ses larmes !... En tout cas, une chose était certaine : Michel était merveilleusement heureux ce soir et d'autant plus que maman avait promis, solennellement, qu'elle ne partirait plus jamais...
    Pour Isabelle, ce retour constituait une sorte de problème. Elle n'avait qu'une dizaine de mois lors du départ de sa mère et ce n'était encore qu'un bébé. A présent, elle avait deux ans et elle avait du monde une perception bien personnelle. Souvent Sara, ne sachant comment s'y prendre pour créer entre l'enfant et sa mère absente les liens qui devaient exister, avait conduit Isabelle dans le petit oratoire devant l'Annonciation peinte par Jean Van Eyck et, lui désignant la petite Madone blonde, lui avait

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