La dame de Montsalvy
s'épanouir encore davantage.
— On n'en sait rien du tout et on aime mieux ça ! C'est bien mieux pour éviter les fuites. Mais on fait confiance à Josse et à Sara pour avoir fait au mieux.
1 Voir Piège pour Catherine.
Tout ce qu'on sait, c'est que messire Arnaud a envoyé partout : à Cassaniouze, à Sénézergues, à Roquemau- rel, à Labesserette, à Ladinhac, au Fel, à Leucamp, à Vieillevie, à Villemur et à Montarnal... et que personne apparemment ne les a vus. Surtout pas celui qui les cache j'imagine. Voilà, dame Catherine, ajouta-t-elle avec un grand soupir, je crois qu'à présent vous savez tout ou à peu près tout...
Enfin une bonne nouvelle ! Le cœur de Catherine venait de s'alléger d'un poids intolérable puisque tous ceux qui lui étaient le plus cher étaient hors des griffes d'Arnaud de Montsalvy, diaboliquement transformé en ennemi de sa propre famille.
— Une question encore, ma bonne Gauberte. Vous avez dit que tout à l'heure mon... enfin messire Arnaud était sorti pour savourer sur moi la vengeance à laquelle il imagine avoir droit. Est-ce qu'il ne me cherche pas ?
— On vous a cherchée, mais pas longtemps. L'innocent a dit qu'il vous avait vue partir à bride abattue dans la direction de Carla, que vous étiez fort en colère et que vous aviez crié très fort que vous alliez demander asile et assistance à la comtesse Eléonore. Comme vous aviez de l'avance il a préféré ne pas aller plus loin. D'autant qu'il ne doit pas avoir tellement envie d'une explication avec la comtesse. Il ne s'est guère fait d'amis dans le pays ces temps derniers. Je dirais même qu'en ramenant cette traînée avec lui il s'est mis toute la région à dos.
Quand on vous saura de retour, il pourrait bien avoir de gros ennuis...
— Je ne suis pas venue faire une révolution, Gauberte. Je suis venue reprendre ma place et je la reprendrai, croyez-moi !
— Ayez crainte, on vous aidera ! À présent qu'on vous sait ici, les courages vont se réveiller. Mais, en attendant où allez-vous vous installer ? Saturnin Garouste est tout prêt à vous donner sa ferme du Puy de l'Arbre mais ça serait vous jeter dans la gueule du loup parce que c'est trop près. Quant à cette grange...
— On va chez nous ! coupa sévèrement Bérenger, à Roquemaurel.
J'ai deux mots à dire à mes frères pour avoir laissé sire Arnaud se comporter de la sorte...
Gauberte Cairou extirpa non sans peine ses quelque cent quatre-vingts livres du foin odorant, secoua ses cotillons et prit à sa ceinture un sac qu'elle y avait accroché.
— J'ai pensé que vous auriez peut-être faim et je vous ai apporté des cabecous1 et du pain. À présent, je me rentre au bercail et croyez-moi, dame Catherine, je vais y dormir de bon cœur... comme j'ai pas réussi à dormir depuis le retour de messire Arnaud.
De même qu'à son arrivée, Catherine embrassa la brave femme sur ses deux joues rebondies.
— Je savais déjà que je pouvais compter sur vous, Gauberte, mais cette fois vous pouvez être sûre que je n'oublierai jamais ce que vous faites pour moi. Dites bien à tout le monde, là-haut, que je ne les ai pas oubliés, ni eux... ni mes devoirs comme le prétend mon seigneur.
Dites-leur que je n'ai pas démérité et que je leur demande de me garder leur confiance, leur amitié...
— Ils savent tout ça depuis longtemps, pauvrette ! Marchez, dame Catherine, si votre époux n'avait pris la précaution de se ramener avec une bande d'affreux, il aurait pas eu longtemps la loi à Montsalvy et il en aurait entendu des vertes et des pas mûres. Quant à sa gaupe, on lui aurait frotté les fesses avec de bonnes poignées d'orties pour lui apprendre à vivre. Mais ça s'arrangera j'en suis sûre. La bonne nuit, notre dame !... et à bientôt !
— À bientôt, Gauberte. Mais, au fait, comment êtes-vous sortie et comment allez-vous rentrer ? Est-ce qu'on ne ferme plus la ville, la nuit ?
1 Petits fromages de chèvre. On en trouve encore à Montsalvy.
Sûr que si, mais le jour où un gars m'empêchera de sortir et de rentrer à ma convenance quand j'ai à faire avec vous, il pourrait bien regretter amèrement d'être venu au monde...
Ayant dit, elle disparut avec une prestesse et une légèreté dont on ne l'aurait jamais crue capable. Derrière elle Gauthier referma soigneusement la porte de la grange...
Roulée en boule dans le foin, Catherine s'apprêta à laisser le sommeil prendre enfin possession de son corps
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