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La dame de Montsalvy

La dame de Montsalvy

Titel: La dame de Montsalvy Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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jeta un regard provocant.
    — J'ai faim, moi ! Vous ne devez pas savoir ce que c'est que d'avoir faim, vous, avec vos joues roses et votre taille dodue...
    — Dodue, dodue ! Dans un moment, il va me dire que je suis grosse, ce malappris !
    — Je ne dirai jamais rien de tel puisque cela vous sied, dame Bertille, mais ne venez pas me reprocher...

    Profitant de l'occasion, Catherine gagna la porte sur la pointe des pieds et quitta la chambre, laissant Bertille et Mathieu, qui se connaissaient de longue date, poursuivre leur discussion sans que ni l'un ni l'autre songeât d'ailleurs à la retenir. Depuis leur arrivée, Bertille s'était instituée l'infirmière et la garde- malade de l'oncle et leurs relations, établies jusqu'à présent sur le simple plan de cliente à fournisseur, semblaient prendre brusquement une nouvelle direction.
    Décidément, ce vieil ours de Mathieu Gautherin avait pris goût aux femmes durant son aventure malheureuse avec Amandine.
    À ce propos, il n'avait pas été très difficile d'obtenir de lui le récit de ses misères. À peine revenu à une conscience claire et lesté d'un premier repas Mathieu s'était libéré des souvenirs cruels qui empoisonnaient sa mémoire et de l'impuissante fureur accumulée au long de son calvaire.
    Entre lui et sa maîtresse, tout avait été au mieux durant quelques mois. Amandine se montrait prévenante, tendre même, et attentive aux moindres désirs du vieillard qu'elle soignait avec une sollicitude de mère, de fille et d'amante tout à la fois.
    Et puis, d'un seul coup, les choses avaient changé lorsque le frère était apparu par un soir gris et pluvieux. Philibert, à ce qu'il prétendait tout au moins, revenait de Terre Sainte et il était en si triste état que la chose, à première vue, n'avait rien d'extraordinaire. Les soins d'Amandine avaient immédiatement changé de direction tandis que Mathieu, désireux de faire plaisir à son amie, s'était montré accueillant et cordial.
    Mais, peu à peu, l'intrus s'était implanté. A mesure que revenaient ses forces, la place qu'il prenait augmentait de surface et, finalement, il avait fini par parler quasiment en maître sur le territoire du « Grand Saint Bonaventure ».
    En dépit d'Amandine qui tentait d'expliquer le mauvais caractère de son frère par ses malheurs récents, les yeux de maître Gautherin avaient tout de même fini par s'ouvrir le jour où, revenant inopinément de la halle aux Champeaux pour prendre son escarcelle qu'il avait oubliée, il avait trouvé son Amandine dans le cellier, adossée à une futaille et les jupes troussées jusqu'à la taille, occupée à recevoir de Philibert un hommage vigoureux mais aussi peu fraternel que possible.
    À l'indignation du vieil homme, tous deux avaient répondu par des moqueries et des sarcasmes et, comme Mathieu prétendait les jeter tous deux à la rue, ils lui étaient tombés dessus avec un bel ensemble, l'avaient réduit à l'impuissance, ligoté, bâillonné et transporté dans la cave d'abord puis dans le poulailler pour y subir le supplice que l'on sait.
    — Quand vous serez décidé à signer une promesse de mariage en bonne et due forme, lui dit Amandine, vous reprendrez votre place dans la maison.
    — Plutôt mourir ! riposta Mathieu fou de rage. Jamais je ne donnerai mon nom à une putain !
    — Alors, ce sera la mort ! Mais ce sera long... très long pour vous donner le temps de réfléchir ! On vous donnera à boire mais pas à manger. Et gourmand comme vous êtes, vous demanderez grâce bien vite...
    Et le martyre de Mathieu Gautherin avait commencé. Amandine le nourrissait uniquement d'eau claire et, chaque matin d'une sorte de tisane de belladone qui l'endormait afin qu'il n'ameutât pas le quartier par ses cris. Chaque soir, quand il s'éveillait, Amandine ou Philibert venaient lui apporter son eau et posaient une question, toujours la même.
    — Est-ce que vous êtes décidé au mariage ?
    Et Mathieu répondait non, toujours non. De plus en plus faiblement à cause de ses forces qui l'abandonnaient mais sa volonté demeurait inchangée. Mieux valait pour lui se laisser mourir, même dans ces conditions affreuses car il ne gardait plus la moindre illusion sur ce qui l'attendait : qu'il acceptât d'épouser la fille La Verne et, peu de temps après les noces, très certainement, il recommencerait à dépérir d'un mal mystérieux qui l'emmènerait promptement à la tombe, en admettant que la chose ne se soldât

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