La dottoressa
question, le bon
Arlotta montait terriblement la garde. Moi aussi, de mon côté, j’avais Gigi à l’œil,
juste ce qu’il fallait. Si je fais allusion à cette histoire de Russe, c’est
uniquement parce que plus tard (j’étais enceinte de ma fille à ce moment-là, et
j’ai parlé des extraordinaires cheveux blonds de la dame) tout le monde a
prétendu qu’elle m’avait fait une telle impression que c’était pour ça que ma
fille était si blonde, d’autant que le garçon, Ludovico, était très brun comme
son père, tandis que la petite avait des cheveux d’un blond doré merveilleux.
Ce n’est pas à moi qu’il faut se plaindre si je ne raconte
pas toujours les choses dans l’ordre. La mémoire va de-ci de-là ; elle n’a
rien de soldats qui marchent au pas et en rang. Par exemple, maintenant, j’ai
envie de vous parler encore un peu de don Domenico, car je ne vous ai raconté
que les drôleries, le concernant. L’abreuvoir et les figues, et quand il
dansait avec le bossu. Autant de raisons qui faisaient que l’évêque ne l’aimait
guère. Pour finir, on l’a déplacé, loin, pourtant c’était un bon prêtre, pas pourri
pour deux sous et aimé de tous. Quand la mort frappait à la porte, tout
Positano venait le chercher. À toute extrémité, il n’y avait pas meilleur
père-confesseur, il n’avait pas son pareil pour vous aider à sauter le pas. C’était
lui seul qu’on allait chercher pour les agonisants, les gens ne voulaient
entendre parler de personne d’autre. Il était si charmant, si amusant, qu’on ne
voulait que lui pour mourir. Hommes ou femmes, il était leur confesseur à tous,
sur la fin.
GIGI ET MAJA
J’ai raconté comment il s’était fait que Wolkow s’en était
allé rejoindre pour toujours sa satanée révolution, mais je n’en avais pas terminé
avec Maja – la garce ! Comme si ce n’était pas assez d’avoir pris une
rossée à en périr ou presque !… À Positano, c’était toujours à moi d’aller
chercher les lettres à la poste, et c’est ainsi que j’ai pu remarquer que Gigi
en recevait sans arrêt de Suisse. Ensuite j’ai découvert que ces lettres
étaient de Maja. Mais j’ai eu beau expliquer à Gigi que j’étais au courant, peine
perdue. Il a continué à m’envoyer chercher les lettres de Maja, et c’était dix
fois plus cruel que la raclée qu’il m’avait flanquée à la suite de Wolkow. Celle-là,
je ne l’avais pas volée… poum ! poum ! point final. Mais l’autre
chose, non, lui rapporter les lettres que lui écrivait Maja, non, je ne
méritais pas ça. Un jour, j’en ai ouvert une : elle y donnait rendez-vous
à Gigi à Crémone. Elle devait se rendre dans cette ville pour une histoire de
violon, et elle disait dans sa lettre qu’il fallait qu’il vienne à Crémone, de
là elle l’emmènerait en Amérique, tellement elle était folle de lui. C’est
alors que ça a commencé à faire terriblement mal, et voilà qu’un beau jour Gigi
me dit : « Écoute, tiens-toi-le pour dit, je pars pour Crémone où je
vais voir Maja ; tu auras tout ce que tu voudras de mes parents pour toi
et pour le petit, ils continueront à t’aider, à s’occuper de vous. Mais je veux
partir avec elle pour l’Amérique. » Elle l’avait complètement ensorcelé.
Je me rappelle encore comme je suis allée trouver don
Domenico en pleurant, et comme il a parlé à Gigi en lui expliquant qu’il n’avait
pas le droit de faire ça, que c’était affreux de détruire un ménage si heureux.
Et puis un jour, nous étions sur la plage avec des gens de Bâle – un
architecte qui construisait des maisons et qui avait envie de bâtir des
villages neufs, son nom était Hauser, je crois – et Gigi avait coutume de
jeter de gros cailloux, pas dans la mer, mais sur une statue d’homme en pierre,
et je vois encore Hauser assis à côté de moi sur la plage quand un énorme
caillou a volé dans l’air et raté ma tête au passage, à quelques centimètres
près, et Hauser a crié : « Seigneur Dieu, mais vous auriez pu la tuer ! »
Gigi ne l’avait pas fait exprès ; n’empêche que ça m’est
resté – j’étais littéralement terrifiée, et sur le chemin du retour je lui
ai dit ; « Tu aurais dû faire un peu plus attention. Tu vas partir, mais
sais-tu seulement que j’attends un autre enfant ? Je ne voulais pas te le
dire… ça fait deux mois qu’il n’y a rien en vue et parfois j’ai très mal au
cœur. Je couve
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