La dottoressa
de la
faculté de Pise, en Italie, une fois son doctorat acquis, si l’on voulait
exercer, il fallait passer un examen d’État, ce qui me forçait à me rendre à
Naples. Et il ne faut pas oublier que j’en étais à mon sixième mois de
grossesse… Il y avait la petite Giulietta, et Ludovico à Bâle, et j’ai dû faire
la navette entre Positano et Naples deux jours par semaine, un pour la
chirurgie, l’autre pour la médecine, et ça à cause de mon fameux examen. Tout s’est
très bien passé, d’ailleurs… Après quoi, retour à Positano. Mais c’est là que
ça n’est plus allé.
Pour mon accouchement, nous avions décidé de nous rendre à
Naples ; j’avais eu trop de peine et de mal pour mon tout premier, sans
compter que pour le second, à Bâle, ça n’avait pas été à proprement parler
tellement facile. Comme il n’eût pas été commode de quitter Positano à la
dernière minute, nous sommes allés passer une semaine à Pozzuoli, dans le
voisinage immédiat de Naples. Là-dessus, soudain tout s’est mis à se précipiter
un soir ; nous nous sommes rendus à l’hôpital suisse de Naples, et là est
venu au monde un garçon : Andréa. C’était en 1926, au printemps, le 2 avril ;
et le cinquième jour j’ai été atteinte d’une horrible fièvre puerpérale, accompagnée
d’une septicémie, puis d’une néphrite. J’ai bien failli mourir.
Ça semble invraisemblable, non ? Même en 1926 et dans
des conditions si primitives. Y laisser presque sa vie – jamais on n’aurait
vu ça dans aucun hôpital véritablement suisse, à l’époque. Ce n’était pas la
faute du médecin-chef, le docteur Sutter, suisse lui-même : évidemment, lui,
il fit tout son possible, y compris des piqûres intraveineuses, et ça finit par
des complications rénales, puis je sortis trop tôt, j’avais trop peur. Je dus
passer à la mairie de Chiaia, à Naples, pour faire enregistrer la date de
naissance et je donnai à l’enfant mon nom de jeune fille : Andréa Klaesser. Impossible de l’appeler Moor, naturellement, puisqu’il n’était pas le fils
de mon mari. Ce n’était pas le genre de chose à faire, quand on pense que je
vivais à Naples avec Tutino. À Vienne comme en Suisse, personne n’était au
courant de cette naissance ni du fait que j’avais bien failli périr. Tutino
était ravi, mais à la façon d’un petit lapin effarouché. Dans l’ensemble, c’était
une histoire affreusement gênante pour lui, surtout du fait que j’avais failli
mourir et qu’il se sentait responsable.
De Naples, bien entendu, nous sommes retournés à Positano. L’installation
de la petite maison où nous vivions était des plus primitives. J’étais
affreusement malade, avec des hémorragies rénales sans arrêt. Ce fut une
période misérable. Je donnais le sein à l’enfant et je n’ai pas tardé à
remarquer que ça ne lui valait rien, tant le pauvre petit maigrissait, à vue d’œil.
La fièvre affectait mon lait. Alors, après avoir cherché autour de nous, nous
avons trouvé deux nourrices, une qui était de Montepertuso et l’autre de
Montepecello, deux femmes de fermier qui sont venues allaiter alternativement l’enfant.
Il était débilité, mais il a repris un peu de poids grâce à ce bon lait de
femme.
La mère de Tutino, qui vivait au-dessus, dans la grande
demeure avec le même jardin que nous, ne s’intéressait absolument pas à moi. Sauf
une fois où elle m’envoya le médecin de l’endroit, parce que j’allais vraiment
mal. Jamais elle ne descendit me voir elle-même, jamais elle ne s’occupa de moi.
Tant et si bien que, de mon propre chef, je finis par trouver une jeune
Allemande qui vivait à Positano, et je la suppliai de me donner un petit coup
de main pour le ménage, ainsi que pour Giulietta et le bébé. J’avais quarante
ans. Ce n’était pas très fameux (qui donc a de la sympathie pour une femme de
quarante ans qui est disgraziata ?), et un jour il y a eu des mots,
en fait à cause de cette jeune Allemande justement ; elle était montée
jusqu’à la grande maison pour demander que l’on m’aide un peu plus, et
là-dessus ç’a été la bagarre : j’ai fait mes malles et j’ai déménagé, pour
m’installer dans une chambre avec mes deux enfants, près de la Chiesa Nuova.
DIVORCE
Naturellement, Tutino a fait un barouf terrible, mais je ne
pouvais plus supporter une minute de plus ses scènes, et sur le coup j’écrivis
à mon amie Delà
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