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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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son
côté la restitution du magnifique gros diamant qu’elle avait donné à Gigi en
cadeau de noce. Il le rendit, avec tous mes bijoux, et c’est grâce à ça que j’ai
pu m’acheter mon attirail médical, instruments et tout, et revenir à Tutino
avec mes deux enfants, Giulietta et Andréa. Il se trouvait maintenant à Rome, à
l’Amirauté. Il avait loué une chambre et acheté un lit gigantesque.
    Je me suis donc retrouvée à Monte Sacro – cet endroit
qui s’appelle aujourd’hui Citta Giardino. La petite Giulietta, je l’ai mise à l’école
sur place, et je suis allée trouver le professeur Ascoli à Rome. Je me doutais
que, tant que l’argent ne commencerait pas à arriver de Suisse, je serais sans
rien, et j’ai trouvé du travail en faisant des traductions d’anglais pour des
journaux italiens, et inversement : de la presse italienne, où le
professeur écrivait des articles, je traduisais en anglais pour lui, de façon
qu’on pût le publier dans les journaux anglo-saxons.
    Tutino disait qu’il fallait enfin nous marier, mais moi je
ne voulais pas, parce que j’avais cessé de l’aimer. Je ne voulais que les
enfants. J’avais cessé de l’aimer du jour où j’avais eu Andréa. Tout de même, je
dois bien l’avouer, personnellement je n’ai jamais été très fidèle, tandis que
Tutino, si, lui, il était honnête. De toute façon, je ne voulais pas l’épouser.
Je n’ai pas dit non immédiatement, je me contentais de répéter : « Plus
tard… plus tard. » Toujours je lui répétais ça : « Plus tard »
(comme les Espagnols, hein ? Mañana, mañana). Puis Giulietta a
attrapé une très grosse pneumonie – elle nous a ramené ça de l’école, pour
avoir bu de l’eau froide après la classe de gymnastique – et au début de l’été,
j’ai dit : « Cette enfant a besoin de récupérer, je pars pour Capri » –
pour Anacapri, en fait.

TROISIÈME PARTIE

ANACAPRI
    C’était en 1926, et je suis partie avec les deux enfants
pour Anacapri. Je voulais y passer les vacances et j’avais aussi envie d’explorer
l’endroit, pour voir si je ne pouvais pas y trouver un moyen de gagner un peu d’argent.
Ces articles pour le professeur Ascoli à Rome, c’était vraiment trop peu. J’avais
apporté mon attirail médical de Vienne ; le diplôme de doctorat, je l’avais,
et aussi le droit d’exercer ; je me suis donc dit que je pourrais me
débrouiller.
    Je suis arrivée à Capri, pauvre comme une mendiante. À Vienne,
ma mère n’avait que sa pension de vieillesse, une poignée de Groschen, même
pas de quoi vivre ; mais elle avait pris un locataire, à Ober Saint-Veit, et
avec ce supplément à sa pension elle pouvait tout juste s’en tirer. Quant à
fournir une aide, impossible. Tout notre argent s’était envolé.
    Donc, je suis arrivée à Capri avec la robe que j’avais sur
le dos, un point c’est tout ; même pas de dessous. Si, si, j’avais une
chemise et une culotte, mais à part ça, rien. Et les deux enfants… ils allaient
pieds nus. C’était loin d’être la gloire, et pourtant en un sens ce n’était pas
si mal. Il y a ce fameux escalier interminable et abrupt, l’escalier phénicien
comme on l’appelle, qui va d’Anacapri – de San Michele – à la Marina
Grande. Par le bus, aujourd’hui, ça prend moins d’un quart d’heure – mais
par cet escalier ? Une demi-heure ! Et pourtant ça ne me semblait
rien du tout, avec Giulietta sur mon dos, d’aller me baigner à Tiberio, une
fois le travail fini. Elle n’avait pas de chaussures ; moi, il fallait
bien que j’en aie, avec toutes ces marches à gravir. À courir de haut en bas
comme ça, c’était dur, mais tout de même, c’était sacrément bon. Oui, c’était
la vie dure, mais le bonheur. Je suis de celles qui aiment bien galoper ; le
pire de la vieillesse, c’est de marcher à pas comptés de tel à tel point.
    Les autres, en Suisse, ils n’avaient qu’une envie : ne
plus entendre parler de moi. Sinon, pourquoi insister tellement sur le divorce ?
Ils avaient dit oui pour les cent francs suisses de l’enfant, mais cet argent, je
ne l’ai reçu que les premiers mois ; ensuite, fini.
    Tutino est d’abord resté à Rome, puis il est tombé malade et
s’est mis à avoir très mal. Depuis toujours, il avait quelque chose qui n’allait
pas dans les intestins et la vessie ; il était toujours un peu souffrant ;
peut-être s’était-il surmené comme

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