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La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
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larmes…
LES TOURMENTS DE LA JALOUSIE
    Me voilà donc de nouvèau en route pour rejoindre Tutino, d’abord
à cause de ses lettres passionnées, ensuite parce que j’avais décidé de passer
le diplôme italien (de médecine) ; ce qui était très pratique, car Tutino
était alors à l’École militaire de Livourne. Total : je me suis aussi
rendue à Livourne avec ma petite Giulietta, et là nous avons vécu ensemble, parce
qu’il n’était plus sur un navire, mais qu’il était à l’école (il avait à suivre
des cours ou autre, comme lieutenant). Et Pise était tout près, ce qui a fait
qu’un jour j’y suis allée pour me renseigner sur les qualifications requises
pour la validation en Italie de mon diplôme viennois. On m’informa que ce genre
d’autorisation n’existait plus et que j’aurais à recommencer tous mes examens
de fin d’études en italien. À cause de la langue, j’étais une étrangère, et
comme docteur je devais être à même de m’exprimer parfaitement, pour que les
gens puissent me comprendre, et aussi pour une plus large compréhension avec
mes confrères médecins. Tous les oraux de l’examen, je devrais les passer en
italien, et cela à Pise, étant donné que c’était près de Livourne.
    Je me suis donc procuré les livres de cours en italien, et à
Pise j’ai fait la connaissance d’un confrère, un homme de médecine, du nom de
Venanzio Loggi. C’était un ami, sans plus, vraiment. Il s’offrit à m’aider et à
m’écrire à Livourne, pour m’indiquer les matières dans lesquelles j’avais
encore besoin de me rattraper. Il m’aida aussi pour les exposés et pour toutes
les démarches en vue des examens. De temps à autre, j’allais de Livourne à Pise
afin de me préparer, ce qui entraînait des scènes de jalousie d’une férocité
incroyable de la part de Tutino, et ça c’était atroce.
    Gigi, lui c’était des couteaux qu’il m’avait lancés, comme
dans un numéro de music-hall, et il avait bien failli me tuer ; mais
Tutino se contentait de me tourmenter, il parlait, parlait et me mettait à la
torture et me suivait à Pise. Il fit une scène à Loggi qui lui jura plus de
cent fois que nous étions plongés dans des occupations infiniment trop
sérieuses pour avoir le temps ou l’idée de batifoler, qu’il considérait comme
un devoir d’aider une collègue, et qu’en dehors de cela il n’y avait rien de
personnel dans nos rapports. Naturellement, Tutino ne le crut pas, et il me
supplia à deux genoux, comme un imbécile, de ne plus continuer mes études, en
ajoutant que ce n’était pas du tout nécessaire, que d’ailleurs nous n’allions
plus tarder à nous marier, et patati et patata. Mais je n’ai rien voulu savoir
de tout ça, et rien n’a pu me dissuader.
    J’avais rencontré Loggi un jour où je me renseignais sur les
examens auprès du professeur de gynécologie, dont le nom était Gentile. Loggi
se trouvait là par hasard, et le professeur lui avait dit : « Pourquoi
n’expliqueriez-vous pas à votre confrère notre système d’examens ? Et vous
pourriez aussi lui donner un petit coup de main. »
    Loggi était très gentil. Je l’aimais énormément, sans que
cela eût rien de sexuel, c’était une très bonne amitié. Il m’impressionnait ;
c’était un Italien du Nord, très grand, un gros ours d’homme blond, et cela me
faisait un immense plaisir qu’il m’ait aidée de la sorte. En dehors de ça, zéro
pour le reste. Quand il m’accompagnait jusqu’à mon train de Livourne, nous
allions boire un dernier espresso dans un bar, mais c’était à peu près
tout ; pourtant ça n’empêchait pas Tutino d’être follement jaloux. De l’automne
à l’été suivant, neuf mois durant, j’ai préparé ce diplôme en italien, et puis
j’ai passé tous les examens, ce qui n’était pas peu, avec mention, oui, presque
tous avec mention très bien, ce qui a fait que j’ai donc décroché mon
diplôme de médecine à Pise.
    Et à cette occasion, je me rappelle très nettement que, pendant
qu’ils étaient tous à me féliciter, y compris le professeur qui, lui, me
marquait assez d’intérêt (il est de coutume à Pise de couronner de laurier la
tête des gens, ce qui n’est pas l’habitude chez nous à Vienne), oui, juste à ce
moment Tutino est arrivé. Il avait demandé une permission à seule fin de me
ramener aussitôt à la maison ; au lieu de la petite fête envisagée pour
célébrer ça, ce

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