Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La dottoressa

La dottoressa

Titel: La dottoressa Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Graham Greene
Vom Netzwerk:
la mort forcément, je
parierais, plutôt qu’à des œufs coque » – parce qu’on racontait que
Farouk mangeait très souvent une douzaine d’œufs à la coque à un repas.
    Mais qu’est-ce que c’est que cette mémoire ? Voilà que
je parle déjà des années qui ont suivi la guerre d’Hitler, et bien avant toutes
ces histoires j’avais cru Capri à tout jamais perdue pour moi.
L’EXIL LOIN DE CAPRI
    Pendant l’été de 1937, je me rendis en Allemagne. Les von
Landen, qui étaient venus à Capri, m’avaient trouvée gravement malade et à bout
de forces, avec des abcès aux glandes sudoripares des aisselles. Mes confrères
me soignaient, un ou deux coups de bistouri par-ci par-là, pour drainer les
principales sources de pus, et les von Landen m’avaient vue dans un état si
pitoyable d’anémie avancée qu’ils m’avaient ramenée avec eux en Prusse-Orientale,
en disant que je me referais au bon lait de vache et tout ce qui s’ensuivait
là-haut, sans compter le climat nordique. Et c’est ce qui arriva. Finalement, je
m’en tirai avec un abcès à la hanche, gros comme ça, mais grâce au bon lait ça
ne dura pas.
    J’avais pris Andréa avec moi. Il montait à cheval comme un
cow-boy, très droit et avec infiniment d’aisance. On l’aurait cru dans un
fauteuil, et il adorait les chevaux, comme toutes les bonnes choses, mais, là, c’était
de la passion. Il avait l’amour des bêtes et des paysages, sans distinction, et
à ce propos je dois vous faire un aveu. À certains moments j’avais le sentiment
étrange, dont je ne parvenais pas à me défaire, que jamais, jamais je ne le
verrais vieillir ! Il passerait seulement sur terre. Les êtres qui ont ce
rayonnement tournent toujours court. Il avait un sourire… souvent je me disais ;
« On croirait un soleil de juin perçant soudain la tristesse de novembre. »
Et de corps il était très bien fait. Il avait l’air de sortir d’un conte de
fées. C’était quelque chose d’étrange… un air d’Éros.
    Parmi mes malades j’avais une certaine comtesse Waldersee. Une
descendante de la célèbre famille. Par gratitude pour mes soins – sans que
ça les empêche de me payer régulièrement – et aussi parce que je les intéressais,
ces gens nous avaient invités dans la très jolie demeure qu’ils possédaient à
Berchtesgaden.
    Hitler se trouvait également à Berchtesgaden, dans son
énorme maison perchée tout en haut ; et chez la comtesse, dans cette belle
villa dont je parlais, défilaient les Jeunesses de Hitler, sa Hitlerjugend. Presque
toutes les écoles avaient leurs Jeunesses hitlériennes, alors ça commençait par
une classe, puis venait une autre, et la comtesse logeait tout ce monde dans le
camp de vacances qu’elle avait, juste à côté de sa magnifique propriété. C’est
là qu’elle m’a permis de venir avec Andréa ; elle lui fit même cadeau d’une
charmante paire de Lederhosen, une très jolie culotte de cuir dont il
était extrêmement fier. Mais elle n’a pas voulu de nous chez elle. Car, sans
même que j’aie jamais fait allusion à la chose, à proprement parler, elle n’avait
pas été sans noter que j’étais contre ces histoires de Hitler. La discrétion ne
m’étouffe pas et je ne cachais pas mon écœurement. Je jugeais ridicule cette
idéologie, et surtout dégoûtante – un vrai venin. Je n’en savais pas
grand-chose en dehors de ses manifestations. Tous ces Heil Hitler et le
reste m’avaient des airs de tyrannie et d’infantilisme, à faire peur. Le fameux
salut, la servilité – et tout ça devenu si mécanique, si irréel… on aurait
dit des marionnettes de cauchemar. Encore aujourd’hui, rien que d’y penser, ça
réveille ma colère. Mes amis ? À croire qu’on les avait anesthésiés !
À force d’être douchés, laminés. Heil Hitler, ça oui, ils le disaient ;
mais pour ce qui est de l’enthousiasme, non, je n’en ai jamais vu.
    Enfin, bon, j’étais à Berchtesgaden et la comtesse m’avait
invitée tout en ne voulant pas de moi dans sa maison, ce qui faisait qu’elle m’avait
installée dans un chalet moderne, encore plus haut à flanc de montagne. J’étais
l’invitée clandestine, en disgrâce, même si elle se montrait cordiale dans nos
rencontres. Une ou deux fois j’ai aperçu Hitler lorsque, de Berchtesgaden, il
allait au Kœnigssee. Juste le temps de le voir passer. Solennel. Inquiet. Les
yeux fous. Et le nombre de voitures !… une

Weitere Kostenlose Bücher