La dottoressa
abomination dans ce cadre
adorable et paisible.
Donc, juste avant que la guerre éclate, je me trouvais dans
ce chalet de la comtesse Waldersee, au-dessus de Berchtesgaden, quand elle m’a
téléphoné là-haut pour me dire que mieux valait que nous descendions la voir, Andréa
et moi. Ce que nous avons fait, et j’ai dit : « Bien, maintenant il
ne nous reste qu’à partir immédiatement pour la Suisse. » Que faire d’autre ?
Et en route pour la Suisse ! D’abord de Berchtesgaden au lac de Constance,
et c’est là, à Lindau, au bord du lac, que j’ai entendu le discours de Hitler, à
l’ouverture des hostilités. Celui qui commence par : « Nos troupes
ont pénétré en Pologne. » Tragique ! Andréa courait et il a pris le mauvais
bateau. Le jeune fou ! Tout l’amusait, même ça ; il riait comme s’il
avait perdu la tête. J’ai dû lui ordonner de revenir, et après, nous avons
traversé jusqu’en Suisse.
Arrivés là nous avons trouvé mon mari harnaché en
territorial et mon fils également en uniforme et prêt à rejoindre l’armée. Ils
étaient là plantés à nous attendre : « C’est bien que vous soyez
venus, tous les deux, et à présent vous restez. » Giulietta avait fini ses
études à l’école d’horticulture, elle avait une place de jardinière à
Grundelwald.
Bon, la question était : que faire ? Sûrement pas
retourner en Italie chez l’ami d’Hitler, Mussolini. À Capri, personne ne s’intéressait
à lui, mais en Suisse on parlait de son entrée en guerre. La comtesse Waldersee
aurait bien voulu que je travaille à l’hôpital de Reichenhall, mais Ludovico m’a
dit : « Non, tu ne quitteras plus la Suisse. Réjouis-toi, nous voilà
tous réunis. Tu trouveras quelque chose, j’en suis sûr. » Je me suis donc
fait inscrire, et aussitôt on m’a remis une longue liste de médecins en quête d’un
suppléant parce qu’on leur avait assigné un poste à la frontière. Ce qui a fait
que j’ai pris une suppléance, d’abord chez le docteur Gering, à Biningen, un
faubourg de Bâle. Il m’a dit : « Au fait, vous seriez plus tranquille
si vous ameniez votre fils ; vous pouvez très bien demeurer chez moi. »
La suppléance, c’est une routine, c’est-à-dire que, le matin, je devais m’occuper
des consultations, et l’après-midi, de toutes les visites. Quant à Andréa on l’a
mis dans une école secondaire, d’abord comme externe, puis plus tard, quand j’ai
quitté le docteur Gering pour aller dans une ville ou une autre, comme
pensionnaire, à l’école même.
Je représentais donc le docteur Gering, ce qui n’était pas
peu, car j’étais forcée de rouler en voiture, et je ne vous l’apprends pas :
à Capri, j’avais uniquement vu des automobiles. Seigneur Dieu, la seule
idée de conduire une de ces machines !…
Il y avait un peintre, un jeune homme ; lui, il savait
conduire. Il faisait partie des réformés ou exemptés, bien qu’il n’eût pas l’air
si malingre. C’est le docteur Gering qui me le dénicha, puisqu’il fallait que j’apprenne
à conduire le plus vite possible afin de pouvoir passer mon permis dans les
quinze jours. Ce jeune homme se présenta le lendemain matin et me dit :
« Bon, allons nous asseoir dans la voiture. » Je suis donc montée
dans la machine et il m’a montré comment m’y prendre. Avancer, c’était facile ;
mais passer en marche arrière, ça alors ! C’était le Diable, cette marche
arrière ! M’arrêter, rouler, ça je savais ; mais rétrograder, c’était
le genre d’idiotie pour laquelle chaque fois j’oubliais tout, et il y avait des
jours où, avant d’arriver à me garer, je devais aller au bout du monde et
retour, à pied ! Non, cette marche arrière, quel truc abominable ! Je
n’ai jamais pu m’y faire. En marche avant, oui, tant qu’on voulait, mais Mamma
mia, en marche arrière, non, je n’y voyais rien.
Oh ! bien sûr, j’ai eu des accidents. Une fois, à Efretikon,
comme j’abordais une côte, une luge avec trois gamins est passée en plein sous
la voiture. Les gosses n’ont rien eu. Mais moi, si – une de ces peurs… terrifiante !
Personnellement, je n’étais pas en faute, les gamins étaient arrivés comme des
fous pour se jeter droit sous la voiture, tandis que je n’avais pas eu de mal à
m’arrêter, puisque pour moi ça montait. Les enfants poussaient des cris. C’étaient
des écoliers qui avaient emmené leur petit frère.
Weitere Kostenlose Bücher