La Fausta
recevant, nous avons juré fidélité au roi, notre grand-maître ! Pour mon serment, je sortirai, dussé-je passer sur le ventre à toute la Sainte Ligue ! Et vous, monsieur le duc ! Que faites-vous de votre serment ?
Un grondement de tonnerre roula sur la place de Grève démontée, agitée de furieuses vagues humaines.
—
Hosannah filio David !
Gloire au fils de David !…
— Mort à Hérodes !… (Henri III.)
— A l’eau les gardes ! A la Seine. Crillon !
Guise devenu affreusement pâle jetait autour de lui des ordres rapides. Et ses gentilshommes s’élançaient sur tous les points où les troupes de la Ligue étaient disséminées : l’Arsenal, la Bastille, le Temple, le Louvre, le Palais, le Grand Châtelet…
Crillon leva son épée… Ce fut à cet instant que Charles d’Angoulême et le chevalier de Pardaillan parvinrent au premier rang de cette foule tumultueuse qui tourbillonnait autour des gardes massés en un bloc impassible, hérissé de hallebardes et d’arquebuses.
Guise, l’idole de Paris, Guise, l’homme des attitudes magnifiques, Guise eut alors un grand geste large et superbe. Et la foule s’apaisa, écouta, avide de l’entendre, de l’admirer encore.
A ce moment, le colonel des suisses, qui jusqu’ici s’était tenu en arrière de Crillon, s’avança rapidement vers le duc, et dit à haute voix :
— Ni moi ni mes suisses ne sortirons de Paris !
— Colonel ! hurla Crillon, à votre rang ! Ou par le sang du Christ, il faut vous battre avec moi jusqu’à ce qu’un de nous deux tombe !
— Monseigneur, dit le colonel sans répondre, je me rends à la Ligue !… Suisses ! sortez des rangs !…
A ce moment, une voix jeune, sonore, vibrante, éclata… Et nul n’eut le temps d’exprimer sa pensée, ni Guise dont la main tendue vers le colonel s’arrêta en chemin, ni Crillon qui, prêt à se ruer, fut cloué sur place, ni les suisses qui, prêts à déserter, demeurèrent immobiles dans leurs rangs, ni la foule qui, prête à acclamer, se tut, frémissante, comprenant qu’un drame nouveau se jouait sous ses yeux… Car cette voix, à toute volée, venait de lancer ce cri :
— Traître ! tu te rends à un traître !…
Le colonel gronda une furieuse imprécation. Guise, la figure bouleversée de rage, tira à demi sa lourde épée et chercha des yeux l’audacieux insolent qui le souffletait de ce nom de traître !
Et il vit alors un jeune homme qui bondissait au milieu du cercle vide, repoussait le colonel des suisses d’un geste de souverain mépris, et se plantait devant lui, les bras croisés. Et dans le silence énorme, dans le lourd silence d’angoisse qui pesait sur cette scène étrange, pour ainsi dire fantastique, la voix de ce jeune homme s’élevait encore :
— Henri de Lorraine, duc de Guise ! meurtrier de mon père ! deux fois traître et rebelle ! moi, Charles d’Angoulême, fils de Charles IX, roi de France, je te déclare félon et te défie en champ clos, soit à la dague, soit à l’épée, à l’heure, au jour, au lieu qui te plairont !…
A l’instant, vingt gentilshommes se ruèrent sur Charles, le poignard levé. Mais Guise les contint d’un signe. Il haletait. Ses yeux étaient sanglants. Sa bouche écumait. Il cherchait une insulte avant de faire le geste qui livrerait le jeune homme à sa meute…
— Fils de Charles ! dit-il enfin avec un grincement de dogue en furie, j’accepte ton défi… Mais comme la lâcheté est héréditaire dans ta famille, comme tu pourrais essayer de fuir, je vais te faire précieusement garder jusqu’au jour où moi, le Balafré…
— Vous ne vous appelez pas le Balafré, monseigneur ! cria un homme, qui, à son tour, s’avança, mais calme, la lèvre ironique, les yeux pétillants d’une sorte de joie étincelante…
C’était Pardaillan !… D’un coup d’œil, il avait jugé la situation. De la foule houleuse, ce regard clair avait rebondi sur Guise, et de Guise sur les gardes de Crillon… Et il avait souri !… Immobile spectateur d’abord, il venait de comprendre que Guise allait jeter un ordre d’arrestation.
— Sauvons mon petit louveteau ! grommela-t-il.
Il marcha sur le duc de Guise à qui, d’une voix cinglante, il jeta ces mots :
— Pardon : vous ne vous appelez pas le Balafré !…
— Votre nom, à vous ! rugit Guise. Qui êtes-vous ?…
Pardaillan tendit son poing et dit :
— Ce n’est pas mon nom qui importe,
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