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La Fausta

Titel: La Fausta Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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voyait, comme rares passants, que des moines glissant silencieusement sur l’herbe poussée à l’ombre des maisons.
    Le prieur des Jacobins s’appelait Bourgoing. C’était un homme grand et de forte corpulence, au visage réjoui, fort enclin à se mêler de politique, mais au demeurant, pas méchant. Il aimait ses aises. Il avait assez d’énergie pour soutenir avec âpreté les intérêts de son monastère qui se confondaient avec ses propres intérêts. C’était d’ailleurs un fanatique partisan de Guise et de la Ligue ; il tenait Henri de Valois en profonde horreur, il avait fortement contribué à fonder la vaste congrégation du Chapelet, et c’est lui qui avait mis à la mode ce dicton populaire :
    Qui n’a pas de chapelet au cou
    Mérite d’y avoir un licou.
    C’était par moments un homme de plaisanterie. Quelques mois avant la journée des Barricades, alors que Paris commençait à s’échauffer fort contre le favori d’Henri III — le duc d’Epernon, grand mangeur et gaspilleur d’argent s’il en fût —, le prieur Bourgoing s’était un jour rencontré avec ledit duc d’Epernon et, à mots couverts, lui avait reproché ses dépenses extravagantes. A quoi d’Epernon avait répondu qu’il avait le droit de dépenser beaucoup d’argent, ayant dépensé beaucoup de sang pour exterminer les hérétiques, ce qui était un impudent mensonge.
    Bourgoing ne répondit rien, mais, peu de jours après, répandit dans Paris une forte brochure sur la première page de laquelle s’étalait en gros caractères :
    « Grands faits d’armes de M. le duc d’Epernon contre les hérétiques. »
    Ceux qui achetaient la brochure l’ouvraient et trouvaient toutes les pages intérieures blanches. Sur chaque page, il n’y avait qu’un mot. Et ce mot, c’était :
    — Rien.
    Le prieur rit beaucoup de son innocente facétie, et d’Epernon faillit en avoir la jaunisse.
    Le soir où nous pénétrons dans le couvent des Jacobins, le prieur, commodément installé sur les coussins d’un vaste fauteuil, les mains croisées sur son respectable ventre, les yeux mi-clos, écoutait un de ses moines qui semblait sa vivante antithèse. Maigre, de figure ascétique, un visage pâle illuminé par deux grands yeux brûlés de fièvre, la bouche sévère, tel était ce moine qui venait d’achever un récit où il avait dû confesser quelque grave péché, car il baissait la tête, tandis que le prieur souriait.
    — Hum ! fit enfin messire Bourgoing, évidemment, mon fils, vous avez eu tort d’entrer dans cette caverne où vous risquiez de rencontrer Satan, toujours prêt à emporter une âme. Et vous dites, mon fils, que ces femmes se sont à demi déshabillées ?… Et que leurs attitudes impudiques ont déchaîné en vous tous les démons de la luxure ?
    — Hélas ! mon révérend, il n’est que trop vrai ! dit le moine d’un ton de profond désespoir.
    — Souviens-toi… que la chair est faible. Mais enfin, frère Clément, vous avez résisté ?
    — Oui, mon révérend.
    — Et triomphé ?… En somme, vous êtes sorti victorieux de cette épreuve ? ajouta le prieur avec une curiosité peut-être un peu échauffée.
    — C’est bien là ce qui me console quelque peu, mon révérend. J’ai pu fuir…
    — Tel le pur et candide Joseph laissant son manteau entre les mains de l’indigne et perverse Putiphar. Savez-vous que c’est fort beau, frère Clément ?… hum ! je veux dire qu’au bout du compte, vous n’avez péché que par imprudence.
    — Votre Révérence est mille fois trop bonne, dit Jacques Clément en s’inclinant avec respect.
    — Vous vous abstiendrez donc pendant quatre jours de toute nourriture, hormis le pain et l’eau : vous direz trois fois dans la nuit, à des heures convenablement espacées, le psaume de la pénitence, et pour le surplus je réfléchirai, mais je pense que ce pieux exercice pourra suffire à mettre en fuite les tentations périlleuses. Allez en paix…
    Le moine s’inclina et sortit, les bras croisés sur la poitrine, le capuchon rabattu sur les yeux. Par les longs couloirs déserts, il regagna sa cellule. A peine fut-il sorti de chez le prieur que celui-ci se leva, alla ouvrir une porte, et alors une femme enveloppée entièrement d’un manteau sombre entra… C’était la duchesse de Montpensier.
    — Vous avez entendu ? demanda Bourgoing.
    — Oui, fit la duchesse avec un soupir ; ce pauvre jeune homme a bien peur du péché… Et

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