La Fausta
caprice, étourdie comme elle était, elle n’avait pu le dissimuler ; et qu’Henri III l’avait assez rudement repoussée.
— C’est donc entendu, reprit Fausta, c’est vous qui allez affliger à Henri de Valois…
— La tonsure ! s’écria la duchesse consolée.
— Oui. Est-ce là la bonne nouvelle que vous m’apportez ?…
— Non, madame, et puisqu’il faut vous dire tout de suite, sachez que ma mère est à Paris.
— La duchesse de Nemours est à Paris ! murmura Fausta soudain intéressée.
— Oui. Et je l’ai gagnée à votre cause !… Ma mère vient de Rome où elle a vu Sixte, il y a deux mois. Elle a eu un long entretien avec celui que les cardinaux rebelles persistent à appeler encore le pape.
— Et alors ? demanda Fausta qui suivait avec une profonde attention.
— Alors… ma mère est revenue avec la conviction que Sixte est un dangereux hypocrite décidé à ne travailler que pour lui-même. La voyant dans ces dispositions, je lui ai parlé de ce conclave secret où les plus ardents et les plus généreux des cardinaux se sont réunis pour choisir un nouveau chef… en sorte que l’Eglise romaine ferait exactement ce que nous voulons faire avec Henri de Valois… Et elle a accueilli l’idée de ce nouveau pape, du moment qu’il était tout acquis aux intérêts de notre maison.
— C’est vraiment là une bonne nouvelle, ma chère enfant ! dit Fausta dans les yeux de qui passa un éclair. Si la duchesse de Nemours est avec nous, je crois que de grandes choses s’accompliront avant peu…
Elle ferma les yeux, comme si, malgré toute la puissance de son caractère, elle eût été éblouie de sa vision.
— Seulement, reprit alors la duchesse de Montpensier, ma mère veut connaître ce nouveau pape avant de s’engager dans une aussi terrible aventure.
— Elle le connaîtra… vous pouvez le lui dire.
— Et qui le lui fera connaître ?
— Moi, dit Fausta.
Et comme si elle eût voulu échapper à de nouvelles questions elle reprit aussitôt :
— Mais vous deviez, disiez-vous, m’annoncer aussi de mauvaises nouvelles ?
— Je reprends donc mon récit : après son entrevue avec la reine mère, mon frère est rentré dans son hôtel. Il était si joyeux que nous avons tous vu qu’un grand événement avait dû arriver. Le lendemain, comme j’étais venue à nouveau à l’hôtel de Guise, mon frère me parla lui-même de la scène de l’autre soir ; il le fit sans colère… Du moment qu’il a tué, mon frère est apaisé. Loignes étant mort, Guise n’a plus de colère.
— J’ignorais, dit Fausta, que le duc fût à ce point généreux.
— Mais la duchesse de Guise ne l’ignore pas, madame !… C’est donc sans étonnement que j’ai vu tout à coup entrer Catherine de Clèves dans le cabinet de mon frère qui, d’abord, demeura stupéfait d’une pareille audace et porta la main à sa dague… La duchesse, sans un mot, se mit à genoux ; puis comme frère haletait, elle murmura :
« Loignes est mort ; morte ma folie… »
Elle savait bien ce qu’elle disait ; car la main de mon frère cessa de se crisper sur la poignée de sa dague ; la duchesse eut un sourire que seule je vis… Alors je sortis… mais de la pièce voisine j’entendis les éclats de voix de mon frère et les explications de Catherine… Cela dura deux longues heures ; puis peu à peu, cela s’apaisa. Alors je rentrai… Mon frère me dit qu’il exilait la duchesse de Guise en Lorraine, et ce fut tout.
— Ceci est un bel exemple de magnanimité, dit paisiblement Fausta.
— Je crois bien qu’il y a chez mon frère plus d’indifférence que de générosité. Ce qui le trouble, ce qui le bouleverse au point que j’ai vu des larmes dans ses yeux brûlés de fièvre, c’est la disparition de la petite chanteuse…
— Ainsi, il l’aime ?…
— C’est peu dire… Il a juré de fouiller tout Paris pour la retrouver et a fait commencer des recherches…
Un livide sourire passa sur la physionomie de Fausta.
— Ainsi, reprit-elle après un assez long silence méditatif, vous êtes sûre de tenir Henri de Valois ?…
— Je vous l’ai dit, madame, fit la duchesse de Montpensier étonnée de cette brusque saute.
— Et vous croyez que votre frère le duc de Guise va chercher à s’emparer du roi ?
— Il s’y prépare…
— Enfant ! Et si je vous disais que je suis renseignée, que je connais comme si je l’avais entendu
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