La fée Morgane
Vieux, je n’ai rien à
ajouter. Faites comme vous l’entendez. »
Ils se mirent en route le lendemain pour le pays de Dyved et
se rendirent immédiatement à la cour d’Arberth, où un grand festin de bienvenue
avait été préparé en leur honneur. De tout le pays, de toutes les terres, accoururent
autour d’eux les hommes et les femmes les plus nobles. À tous, Rhiannon fit un
présent somptueux, à celui-ci un collier de grande valeur, à celui-là un anneau
d’or ou une pierre précieuse. Puis, elle et Pwyll s’efforcèrent de gouverner
sagement le pays. Et bientôt, on apprit que Rhiannon était enceinte.
Avant le terme fixé, un fils lui naquit à Arberth même. La
nuit de sa naissance, on envoya des femmes veiller la mère et l’enfant. Les
femmes s’endormirent, ainsi que la mère. Ces femmes étaient au nombre de six :
elles avaient bien veillé une partie de la nuit, mais dès avant minuit, le
sommeil s’empara d’elles. Elles s’endormirent donc et ne se réveillèrent qu’au
lever du jour. Dès qu’elles furent debout, leurs yeux se tournèrent vers le
berceau, mais elles eurent beau chercher, il n’y avait aucune trace de l’enfant.
« Hélas ! s’écria l’une d’elles, l’enfant a disparu ! Qu’allons-nous
devenir ? – Assurément, dit une autre, on va nous brûler ou nous tuer !
– Il faut trouver un moyen de nous tirer d’embarras, reprit la première. L’une
d’entre vous a-t-elle une idée ou un conseil ? – Oui, j’en connais un bon,
dit une troisième. Il y a ici une chienne de chasse avec ses petits. Tuons-en
quelques-uns, frottons de leur sang le visage et les mains de Rhiannon, jetons
les os devant elle et jurons que c’est elle qui a tué son fils. Notre serment à
toutes les six l’emportera sur une seule affirmation de sa part. »
Et elles agirent ainsi. Peu après, Rhiannon s’éveilla et dit :
« Femmes, où est mon fils ? – Princesse, ne nous demande pas ton fils ;
nous ne sommes que plaies et contusions après notre lutte avec toi. Jamais, en
vérité, nous n’avons vu autant de force chez une femme et il ne nous a servi à
rien de nous battre pour tenter de t’empêcher d’accomplir ton crime. C’est
toi-même qui as déchiré ton fils et l’as mis en pièces. Tu le vois bien. Il
faut que tu aies une grande audace pour nous le réclamer. – Malheureuses !
s’écria Rhiannon, par le Seigneur Dieu qui voit tout, ne faites pas peser une
telle accusation sur moi. Vous savez bien que c’est faux et que nous sommes
victimes d’un sortilège. Si vous avez peur d’être châtiées, j’en atteste Dieu, je
vous protégerai. – Assurément, répondirent-elles, nous ne nous exposerons pas
nous-mêmes pour personne au monde. – Malheureuses ! Vous n’aurez aucun mal
à dire la vérité : nous étions toutes endormies, et c’est pendant notre
sommeil que l’horrible malheur est arrivé ! » Mais en dépit de ses
supplications, en dépit de tout ce qu’elle put dire, Rhiannon n’obtint d’elles
aucune autre réponse.
Sur ces entrefaites, Pwyll se leva à son tour ainsi que tous
les gens de sa maison. On ne put lui cacher la nouvelle qui se répandit par le
pays. Tous les nobles l’apprirent et se réunirent pour examiner l’affaire. Ils
envoyèrent des messagers à Pwyll pour lui demander de bannir sa femme ou de la
faire périr, car après un si horrible forfait, il était impensable qu’elle
demeure reine. Pwyll leur fit cette réponse : « Je ne pourrai jamais
faire périr une femme que j’ai aimée et dont, jusqu’à présent, je n’ai jamais
eu à me plaindre. Si elle a mal agi, il est juste qu’elle soit punie, mais d’une
façon qui soit exemplaire. C’est avec votre conseil que je déciderai de son
sort. »
On se réunit dans la forteresse d’Arberth autour de Pwyll et
l’on fit comparaître Rhiannon. Elle avait fait venir des sages et des docteurs
pour la défendre, mais elle en prit bientôt son parti : il lui parut plus
digne d’accepter une pénitence que d’entrer en discussion avec les femmes qui l’accusaient.
Voici ce qu’on lui imposa : elle resterait pendant sept années de suite à
la cour d’Arberth, s’assoirait chaque jour à côté du montoir de pierre qui
était à l’entrée, à l’extérieur de la forteresse, raconterait à tous ceux qui l’ignoreraient
l’affreuse action qu’elle avait commise, et proposerait aux hôtes et aux
étrangers, s’ils voulaient bien accepter, de
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