La Femme Celte
main-forte à
la géographie humaine, elle doit aider à reconstituer l’histoire du peuplement,
de la mise en valeur du sol en face de l’absence ou de la pénurie de
témoignages historiques, les noms de lieux constituent, lorsqu’on sait les
faire parler, des témoins authentiques et irrécusables qui permettent, sinon de
dater, du moins de jalonner dans le temps la fondation des établissements
humains, et qui, en outre, nous renseignent souvent sur l’aspect des lieux au
moment où ils furent créés [21] ». C’est ainsi
qu’on trouvera la preuve que la Gaule était un territoire nettement consacré à
l’agriculture alors que l’Irlande ou l’île de Bretagne étaient des pays plutôt
voués à l’élevage. Cette distinction, appuyée en grande partie sur la
toponymie, est d’une importance capitale dans l’étude de la société celtique en
général et du problème féminin en particulier, comme nous le verrons par la
suite.
Car toutes ces considérations d’ordre linguistique ou toponymique
ne sont absolument pas gratuites. Il s’agit d’abord de tracer le cadre précis
où ont évolué les Celtes, le cadre où s’est développé l’esprit celtique :
l’étude de tout mythe d’origine celtique ne peut se faire que si l’on se réfère
à un contexte solide, faute de quoi on risque de ne pas le comprendre dans sa
valeur profonde.
Et précisément, ces considérations linguistiques et toponymiques
mettent en lumière que si les Celtes ont occupé l’Europe occidentale à l’âge du
fer, ils n’étaient pas les seuls à y habiter .
Non seulement les Brittons se sont mêlés à des populations gaéliques antérieurement
fixées là, mais les deux vagues d’immigrants ont rencontré des peuples qui
étaient déjà sur les lieux depuis la préhistoire et qui n’ont pas tous été ou
délogés ou tués. Les Celtes n’étaient pas tellement nombreux : ils n’ont
guère constitué qu’une élite intellectuelle et guerrière munie de procédés
techniques qui leur ont permis de dominer les populations antérieures
non-celtiques, de leur imposer leur mode de vie, de les assimiler. Mais cette
assimilation n’a pas joué dans un seul sens. De même que les Grecs vaincus par
les Romains et pliés à la discipline romaine ont contribué à la transformation
radicale de la société romaine primitive, les populations anciennes de la Gaule,
de la Bretagne et de l’Irlande ont influencé profondément
la civilisation celtique primitive : et c’est en tenant compte de
ce fait, indéniable et logique, que, nous le verrons, il est possible
d’expliquer les différences importantes que l’on constate entre les sociétés
indo-européennes méditerranéennes ou germaniques et les sociétés celtiques,
notamment en ce qui concerne la religion, l’organisation politique et juridique,
ainsi que les structures familiales et par conséquent le rôle très particulier
de la femme.
Récapitulons les jalons de l’histoire des Celtes. Dès le IV e siècle av. J.-C., les Brittons de la
Civilisation de la Tène sont fermement implantés en Gaule, dans les îles
Britanniques, dans le nord-ouest de l’Espagne. Ils poussent même une pointe
vers le sud, forment la Gaule cisalpine dans la plaine du Pô et sur le rivage
de l’Adriatique, menacent dangereusement les Latins et prennent Rome en 387,
après la victoire de l’Allia, remportée par le Sénon Brennus sur les troupes
romaines en débandade [22] . Les Romains réagissent
peu à peu et parviennent d’abord à contenir les Gaulois, puis à les éliminer de
l’Italie du Nord. À la même époque, comme la Gaule devenait surpeuplée, selon
le témoignage des auteurs de l’Antiquité, d’autres Gaulois partirent vers la
forêt hercynienne et vers les Balkans. Dans cette expédition vers les Balkans,
au début du III e siècle, nous retrouvons
un autre Brennus qui se lança à travers la Grèce, aurait même pillé le
sanctuaire de Delphes aux environs de 290 [23] . Ce sont les débris de
l’armée de Brennus qui seraient passés en Asie et auraient fondé le célèbre
royaume des Galates, lesquels parlaient encore la langue celtique au temps de
saint Jérôme.
Le III e siècle av. J.-C.
représente la période de la plus grande extension pour les Celtes. On en trouve
partout en dehors des régions occidentales : sur la rive droite du Rhin,
où ils ont une grande influence sur les Germains, peuple vraisemblablement
non-aryen mais
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