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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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français et elles sont entachées d’erreurs. M. Lacabane (bibl. de l’École des Chartes, qui les commenta et que cite B. Zeller, maître de conférences à la Faculté des Lettres de Paris, dans ses ouvrages sur la Guerre de Cent ans – 1885, Paris, Hachette édit.) note à leur propos qu’il convient de n’en faire vraiment cas que lorsque, relayant les moines anonymes qui se sont succédé à leur rédaction, elles sont continuées par Pierre d’Orgemont, chancelier de Charles V, «  ce qui donne à cette partie des Chroniques, qui est un texte officiel, une importance de premier ordre (444)  ».
    –  Mais Froissart a mentionné le rôle des canons ! peut-on insister.
    Certes, mais seulement dans la troisième rédaction de ses Chroniques et pour amoindrir, c’est évident, les raisons de la déconfiture de Philippe VI. Sous des pressions dont nous ignorons la nature, mais qui sont flagrantes, il fit plaisir à cette royauté française qu’il méprisait (une fois chez lui n’était pas coutume). Et sur sa lancée (peut-être même sous la menace), il augmenta de quelques lignes d’ailleurs fades son texte en faveur d’un homme dont il n’avait point fait grand cas, lui, l’admirateur des preux, avant qu’il fût devenu connétable de France : Bertrand Guesclin.
    Et puis, franchement, les Anglais n’étaient-ils pas mieux placés que les Français pour savoir comment des hauteurs de Crécy se déroula la bataille ? Or, dans leurs textes, ni dans ceux des historiens modernes, point de canons.
    Ces engins, c’est un Italien, Giovanni Villani (1280-1348) qui leur donna leur grand rôle dans sa Nuova cronica, consacrée surtout à Florence, et dont il acheva le douzième et dernier volume en 1346. Était-il à proximité du champ de bataille ? Non. S’était-il informé auprès des vainqueurs et des rescapés du Val-aux-Clercs ? Il ne semble pas. Sa description de la boucherie de Crécy (six pages), lui paraissant terne, il y incorpora des canons.
    Ces canons furent bien accueillis par les historiens français. Avec ces gros engins quasi intransportables (445) dans une fuite (et Édouard III fuyait) et la frayeur que leurs détonations provoquaient (bien qu’elles fissent moins de bruit que le tonnerre), la défaite des nôtres s’expliquait en partie ! Les uns en mirent deux, les plus cocardiers, quatre. Ces fausses « pièces » à conviction étant insuffisantes, l’orage et les averses firent le reste. L’eau tombant dru, nous raconte-t-on, distendit les cordes des arcs et des arbalètes. Outre que c’est méconnaître le maniement de l’arbalète que d’affirmer cela, c’est ignorer que l’usage était d’accrocher les cordes au bois de l’arc au tout dernier moment. Or, les arbalétriers et les archers furent massacrés par les chevaliers français au début de l’engagement. La pluie, qui ne fut pas diluvienne, n’eut donc aucun effet négatif sur le comportement et l’armement de nos piétons… Et puis, si ç’avait été le cas, les 10 000 ou 15 000 archers anglais n’eussent-ils pas été défavorisés eux aussi par le « mauvais sort » ?
     
    De « pures » inventions
     
    Certes, les canons existaient. Employés sur les nefs et sur terre, leur usage était toutefois restreint. On trouve dans un registre de la chambre des comptes de Paris, en 1338, une notation de Barthélémy Drach, trésorier des guerres, à propos d’une somme d’argent «  destinée à Henry de Famechon pour avoir poudre et autres choses nécessaires aux canons qui étaient devant Puy-Guillaume (446) .
    Le commentateur de Froissart, Henri Buchon, écrit qu’il doute qu’on en ait fait usage à Crécy « puisque aucun des historiens contemporains ne fait mention d’un fait aussi remarquable, excepté Villani, étranger, éloigné du théâtre de la guerre et de qui, par conséquent, le silence des historiens français et anglais, témoins pour ainsi dire, des faits qu’ils racontent, affaiblit singulièrement le témoignage. »
    Dans sa monumentale étude sur le Moyen Âge (Firmin-Didot, Paris 1869), Paul Lacroix écrit :
    Il faut reléguer au rang des pures inventions l’assertion de Villani, qui prétend que les Anglais durent à l’emploi de l’artillerie à poudre le gain de la bataille de Crécy : car il est certain que les armes à feu dont on put se servir à cette époque n’étaient nullement propres à figurer dans les batailles rangées, et qu’elles ne

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