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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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ensorcelée, ne pourrait lui causer préjudice. Non, il n’est vulnérable que pendant la nuit, lorsqu’il se met au lit, enfin débarrassé de son heaume et de sa cuirasse. C’est à cet instant qu’il faudra le mettre en perce, le clouer sur sa paillasse.
    Wallah ne dit rien. Ces querelles de princes l’indiffèrent. Il y a longtemps que le bon peuple n’entend plus rien aux alliances et trahisons qui agitent les chefs de guerre des provinces françaises. Certains ne jurent que par l’Anglais, d’autres restent fidèles au roi fou. Bourguignons, Armagnacs… comment s’y retrouver ? Que ce soit les uns ou les autres, une chose est sûre : les pauvres mourront toujours de faim.
     
    Il va falloir attendre la nuit ; Wallah s’arme de patience. Gunar lui a appris à s’abstraire du temps. Elle observe le va-et-vient des soldats. Elle entend les chiens aboyer de l’autre côté de la muraille, à leurs voix elle devine qu’ils sont nombreux… et gros . Elle connaît cette race de molosses dressés à la bataille. Ils filent ventre à terre et courent en zigzag, à la façon des lièvres, pour échapper aux flèches. Ils se glissent sous les montures des attaquants et leur arrachent les parties génitales. Le destrier se cabre, désarçonnant son cavalier. Oui, c’est ainsi qu’ils procèdent. Ils mordent leurs victimes entre les jambes. Les dresseurs savent que cette méthode épouvante l’ennemi, qu’il appartienne à la piétaille ou à la paysannerie révoltée. L’apparition des dogues, sur un champ de bataille, provoque la plupart du temps un franc mouvement de panique chez les combattants à pied, et ce flottement désorganise la première ligne. Ce sont des bêtes que l’imminence de l’assaut rend à demi folles. Une fois lâchées, on a le plus grand mal à les maîtriser.
    Wallah sait que, cette nuit, si la meute galope à leurs trousses, ils auront intérêt à sauter en selle.
     
    — Il va sortir, murmure tout à coup Ponsarrat. C’est son heure, au coucher du soleil. Sa sacro-sainte promenade vespérale. Tu vas le voir arpenter les remparts, mais ne t’excite pas, tu ne pourras rien tenter. Une flèche ne ferait que le blesser car l’épaisseur de son armure mesure le double de la normale.
    L’adolescente s’aplatit dans l’herbe. Précaution inutile car il fait déjà trop sombre pour qu’on la repère depuis le chemin de ronde. Le vent lui amène aux oreilles des cliquetis d’acier. Un groupe apparaît entre les créneaux. Une grande confusion de ferraille, casques, cuirasses et boucliers, au point qu’on ne peut distinguer qui est qui.
    L’homme qui doit mourir se déplace à l’abri de cette haie. Le peloton fait le tour des remparts avec une lenteur mécanique causée par le poids des harnois de fer.
    — Il fait cela tous les soirs, murmure Ponsarrat, sans doute pour ne point devenir fou. La claustration doit lui peser. À sa place j’aurais perdu l’esprit depuis longtemps.
    Wallah ferme les yeux, suscitant dans sa mémoire l’image du panneau de bois peint. Elle craint d’avoir oublié des détails. Elle aimerait revoir le tableau, c’est impossible car Ponsarrat s’est bien gardé de l’emporter.
    Sa crainte vient de ce que l’homme qu’elle doit tuer est nanti d’une physionomie banale… et que la flèche pourrait se tromper de cible.
     
    La nuit s’installe. Il fait froid et humide. La terre mouillée se change en linceul. Wallah pense que c’est ce que doivent éprouver les morts quand on les enterre par temps de pluie. Elle pense à Gunar, enfoui dans son tertre. Il aurait mérité de meilleures funérailles. Encore une fois, elle l’a probablement déçu. Un fils n’aurait pas hésité, lui, à dresser un bûcher, à sacrifier un cheval…
    Des flambeaux s’allument au sommet des quatre tours d’angle. Le château n’est plus qu’une masse indistincte, une falaise de granit dressée dans les ténèbres. La hulotte pousse son cri quelque part dans l’entrelacs des branches. Wallah assemble l’arc turquois, vérifie du pouce la tension de la corde. Puis sort une flèche du carquois et la plante en terre, devant elle, à la manière des archers se préparant à foudroyer en plein élan une charge de cavalerie.
    Le vent lui apporte l’écho lointain d’une viole. Le seigneur du lieu dîne en compagnie de ses proches, un troubadour tente d’égayer le morne repas.
    Il faut encore attendre. Sans la lumière des flambeaux fichés sur

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