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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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veille !
    Les autres ricanent. Elle aura la plus mauvaise part : tout le monde sait que minuit est l’heure où les démons sortent de leurs tanières. Au contraire, plus on se rapproche de l’aube, plus le danger s’amenuise, les pouvoirs des créatures malfaisantes s’affaiblissant au fur et à mesure que la nuit s’éclaircit.
    Gérault ferme la grande porte et la barricade en faisant beaucoup de bruit, comme s’il voulait signifier à l’ennemi demeuré au-dehors qu’il n’a aucune chance de pénétrer dans les lieux.
    « Ça ne sert pas à grand-chose s’il existe un souterrain… », songe Wallah qui, depuis le début, voudrait inspecter les caves du château.
    En prévision de la nuit elle fait un détour par les cuisines pour réclamer un pot de soupe brûlante, du pain, du lard, des oignons ainsi qu’une jarre de cidre, puis, sans plus s’occuper du reste de la troupe, gagne les remparts pour assister au coucher du soleil.
    Le spectacle a quelque chose de terrifiant, c’est comme si le sommet du mont venait d’encaisser un coup de lance et saignait à mort. Le brouillard se change en charpie rougie, une lumière de fin du monde coule sur les pentes, accusant les reliefs.
    Wallah pose sa besace dans l’une des échauguettes. Avec l’obscurité le vent se lèvera et la température sera hivernale. Prévoyante, elle a apporté sa vieille peau de mouton. Elle se penche pour examiner le pot à feu de l’échauguette. Il est encroûté d’une cendre ancienne dont il faudrait le débarrasser afin de le rendre utilisable.
    Des bêtes ululent dans le lointain. Le carquois sur l’épaule, l’arc à la main, Wallah quitte l’abri pour remonter le chemin de ronde. À chaque angle, elle allumera une torche enduite de résine, qui crépitera de longues heures. Ainsi se sentira-t-elle moins seule.
     
    Elle ne peut se défaire d’un mauvais pressentiment. Les événements de l’après-midi l’ont impressionnée. Fréquemment, au cours de sa ronde, elle se retourne pour jeter un coup d’œil par-dessus son épaule. La nuit de la montagne est écrasante, au-delà d’un jet de pierre on ne distingue plus rien, on se sent emmuré par l’obscurité, comme si elle était faite de briques noires patiemment empilées par un maçon aussi gigantesque qu’invisible.
    Quelque part s’élève le son aigrelet d’une flûte. La mélopée est étrange. Elle ne ressemble à rien de connu. Wallah dresse l’oreille. Un souvenir lui traverse l’esprit. Elle revoit la mère Toine, à la lisière du bois des sorcières, lui criant : « La flûte… fais attention à la flûte ! » Qu’a-t-elle voulu dire ?
    La mélodie se tait, puis reprend. À cause du vent, il est difficile de savoir si elle vient de loin ou si le musicien se tient au contraire non loin des remparts.
    Une chose est sûre, Wallah déteste cette musique qui lui semble jouée par un fou n’ayant aucun sens de l’harmonie. Elle la juge funèbre.
    Elle accueille le retour du silence avec soulagement et se maudit de se montrer si nerveuse. Allons, ce n’était sans doute qu’un pâtre insomniaque peu doué pour l’art musical ! Pas de quoi en faire un fromage !
     
    L’adolescente grelotte. Le vent la mord avec méchanceté. Les heures coulent au ralenti.
    Tout à coup lui parvient l’écho d’un éboulis. En montagne les sons portent loin. Elle se fige et s’efforce au calme. Il peut s’agir d’un bouquetin… Elle se penche au-dessus du vide, scrute l’étroite zone qu’éclaire la lueur vacillante des torches.
    C’est là… en bas. Elle distingue une masse mouvante occupée à longer le pied de la muraille. Elle se raidit, encoche une flèche. Bézélios a posé un piège à cet endroit, le visiteur se dirige droit dessus. Elle plisse les paupières sans parvenir à affiner sa vision.
    Et soudain le démon surgit en pleine lumière, difforme. Une sorte d’ours qui se dandine sur ses pattes de derrière. Il a bien deux têtes enchâssées dans les épaules ; l’une plus grosse que l’autre. Il brasse l’air avec ses griffes longues comme des poignards…
    Obéissant à un réflexe, Wallah lâche sa flèche qui se fiche entre les deux yeux de la plus grosse des deux caboches. Surpris, le monstre titube, recule… et marche dans le piège tendu. Le ressort claque en se refermant. Un hurlement s’élève dans les ténèbres, curieusement aigu. Un hurlement qui se change en un chapelet de jurons orduriers. Où cet

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