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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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pécheurs ! Jamais ne s’est apaisé le désir de fauter
des saints et jamais désormais, parce que nous sommes incapables de défendre le
royaume de Jérusalem, il ne s’apaisera dans le Corps du Christ, son Église, jusqu’à
la consommation des siècles, jusqu’au Jugement dernier. Je ne serai pas plus à
l’abri que vous et j’irai rôtir un certain temps sur la broche de Satan ; alors
inutile de flatter la Vierge et les saints, vivez vos vices bellement et
continuez à me servir sans détour.
    Ce maudit seigneur des Baux leur avait fait prendre
conscience de leur état de péché mortel et des peines horribles qui en
découleraient. Et ils le suivirent quand il ordonna :
    — À Signes !
     
    À Signes, les jours s’écoulaient dans l’effervescence. On se
préparait aux fêtes. Sur le plan où pâtureraient vaches et moutons le printemps
revenu, charpentiers et manouvriers installaient les barrières, dressaient le
podium et les gradins, plantaient des tentes colorées, damaient le sol. Les
Signois rafraîchissaient les crépis écaillés des maisons, suspendaient des
rubans et des oriflammes entre les façades, cousaient à la hâte les robes et
les bliauds de fête.
    Bertrand était le grand ordonnateur de ces travaux qu’il
finançait en grande partie. Dans sa fièvre d’embellir le fief pour la venue du
Sauveur, il ne se préoccupait pas du cas Jean d’Agnis. Contrairement à ce qu’on
avait pu croire, il n’était pas entré en colère, n’avait pas demandé des
comptes à son épouse malgré les conseils du chapelain Guillaume et des prêtres
de sa paroisse. « Je ne veux pas, disait-il, intervenir dans une affaire
concernant la cour de ces dames. » Sa position était jugée lâche par ses
proches. Il n’en avait cure. Ce chevalier ne lui devait pas allégeance tant qu’il
ne rebâtirait pas sa maison sur le plateau d’Agnis. Il était l’invité de
Bertrane, le prisonnier des dames ; Bertrand pensait que ces dernières ne
l’épargneraient pas. Elles s’étaient souvent montrées féroces et cruelles dans
le passé ; cela suffisait à apaiser sa conscience. Priorité au tournoi et
aux processions. Priorité aux messes solennelles. Acheter des coussins moelleux
pour les évêques de Marseille et de Toulon, engraisser des poulardes, des
chapons et des oies, préparer des pâtés et des jambons, se procurer les
meilleurs vins et les plus fines épices, renouveler tous les cierges des
églises et des chapelles, restaurer les statues des saints, veiller à que les
Vierges de marbre et de bois peint soient fleuries et prier cinq heures par
jour suffisaient à occuper tout son temps.
    Bertrand avait refusé d’écouter Delphine de Dye. Il savait
ce qu’elle lui dirait : qu’un homme en pleine possession de ses « moyens »
habitait en permanence le château de la cour d’amour, que les dames ne
respectaient plus les règles. Bertrand n’ignorait pas que cet homme logeait
dans la tour du Dragon, et qu’il n’était pas seul. Aubeline d’Aups, apparemment
sa promise, Bérarde et une jeune fille du nom d’Élise l’accompagnaient. Il n’y
voyait pas malice. Plus grave à ses yeux était la position des dames vis-à-vis
du chevalier du pont du Diable. Ces folles défendaient Robert de Paneyrolle. Aussi
avait-il écrit au marquis de Malemort, baron d’Aubagne et de Signes, évêque de
Marseille, le tout-puissant Pierre II, de sermonner les dames lors de sa
venue. Il s’occuperait personnellement du cas du chevalier noir après la trêve.
    Il aurait fallu plus qu’un long sermon à Bertrane pour
chasser le désir et la jalousie. Baiser la bague de Pierre II lui
brûlerait les lèvres. La nuit, elle passait des heures à lutter contre la
tentation de se rendre dans la tour du Dragon et de chasser Aubeline d’Aups. Jean
d’Agnis et la fille du templier ne dissimulaient pas leurs sentiments. On les
voyait se promener main dans main sur les courtines, se donner des baisers dans
les recoins. C’était insupportable.
    L’irritation de la comtesse n’avait pas échappé à Alix. La
demoiselle de Dardanus veillait sur son amie, guettant ses moindres soupirs, ses
marmonnements, ses colères rentrées. Alix dormait dans la pièce voisine. Au
cours de la sixième nuit, elle entendit la clef cliqueter. Elle se leva d’un
bond et ouvrit la porte donnant sur le couloir. Bertrane rejoignait l’escalier
en colimaçon. Alix la retint.
    — N’y va pas !
    Saisie, Bertrane

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