La Fin de Fausta
rencontre.
Odet de Valvert et Landry Coquenard le comprirent bien ainsi. Ils n’avaient pas hésité à le suivre. Ce n’était pourtant pas sans se demander avec angoisse quel accueil les attendait dans cette maison inconnue où, selon le mot de Pardaillan lui-même, ils s’introduisaient « comme de vulgaires malfaiteurs », l’épée au poing. Ils se sentirent instantanément rassurés. Et Landry Coquenard, avec un large sourire, traduisit sa satisfaction en glissant ces mots à l’oreille de son maître :
– C’est une vraie bénédiction du ciel que nous soyons précisément tombés chez des amis de M. le chevalier !
A quoi, Valvert, aussi satisfait, répliqua sur le même ton confidentiel :
– Oui, je crois que ce n’est pas encore ce coup-ci que Concini et ses assassins mettront la main sur nous.
Ils se hâtaient trop de se féliciter et de se réjouir. S’ils avaient pu lire dans l’esprit du chevalier, ils auraient vu qu’ils étaient loin d’être hors d’affaire comme ils le croyaient. En effet, Pardaillan souriait héroïquement. Son œil clair n’exprimait, en se fixant sur Violetta, que la plus tendre, la plus fraternelle affection. Pas l’ombre d’une inquiétude ne se lisait sur son loyal visage. Par malheur, ce n’était là qu’un masque qu’il s’appliquait pour dissimuler à la jeune femme la rude désillusion qui l’atteignait et l’effroyable accès de fureur qui venait de nouveau de s’emparer de lui. Pardaillan songeait :
« Quel démon fantasque et malfaisant s’acharne donc ainsi après moi, aujourd’hui !… Quoi, j’ai cette guigne noire de tomber chez la duchesse d’Angoulême !… Pardieu, s’il n’y avait qu’elle… cette tendre et douce Violetta, j’en suis certain, donnerait sans hésiter une pinte de son sang pour nous tirer d’affaire… Mais il y a le duc… le duc d’Angoulême, associé de M me Fausta, le futur Charles X… Et c’est que je ne suis plus précisément de ses amis, à Charles d’Angoulême… Corbleu, nous voilà bien lotis, s’il nous voit chez lui !… »
Ces réflexions plutôt sombres traversèrent l’esprit de Pardaillan avec cette rapidité foudroyante de la pensée. Tout aussitôt, il se dit :
« Je ne peux pas faire à cette douce Violetta ce chagrin mortel de croiser le fer avec son époux, devant elle… D’autre part, je ne veux pas me laisser égorger comme un mouton… cordieu, ce serait faire la partie trop belle au duc et à Fausta !… Alors je ne vois qu’un moyen : c’est de déguerpir au plus vite, avant que le duc ne nous tombe dessus. »
Ayant pris cette résolution de battre en retraite une fois de plus, Pardaillan avertit Valvert par un de ces regards d’une éloquence criante. Valvert comprit à merveille qu’il devait, plus que jamais, se tenir sur ses gardes. Il en fut tout effaré, car il croyait bien que tout était fini pour eux. Il en fut effaré, mais cela ne l’empêcha pas de se le tenir pour dit et d’avertir à son tour Landry Coquenard par un coup de coude. Et tout en se tenant prêt à tout, il ouvrit les yeux et les oreilles tout grands, pour tâcher de comprendre ce qui leur arrivait.
Il ne tarda pas à être fixé. La duchesse d’Angoulême, puisque c’était elle, en ce moment même, se dégageait doucement de l’étreinte de Pardaillan, et disait, avec le même accent de joie naïve et touchante :
– Quelle va être la joie du duc d’Angoulême lorsque, en rentrant chez lui, il aura cette heureuse surprise d’y trouver son grand frère bien-aimé, le chevalier de Pardaillan !
« Le duc d’Angoulême ! s’écria Valvert en lui-même. Peste et fièvre, nous jouons vraiment de malheur, aujourd’hui !… »
Landry Coquenard ne se dit rien, lui. Il n’était pas au courant et ne pouvait pas comprendre. Mais il voyait bien que les choses paraissaient se gâter. Et son nez s’allongeait piteusement. Quant à Pardaillan, il respira plus librement en apprenant que le duc n’était pas chez lui. Mais comme il comprenait qu’il pouvait arriver d’un moment à l’autre, il ne s’attarda pas :
– Duchesse, dit-il, vous avez dû comprendre, à la façon dont nous nous sommes introduits chez vous, que nous nous trouvons dans une situation critique, ayant à nos trousses une bande de chiens enragés qui nous donnaient la chasse…
– Je l’ai très bien compris, interrompit la duchesse. Et je n’ai pas besoin de vous dire,
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