La Fin de Fausta
et, disons-le, fort troublés, de cet entretien dramatique. Et à voix basse, avec une grande douceur, mais aussi avec une irrésistible autorité :
– Rengainez, mon enfant.
Et il expliqua :
– Nous ne pouvons pas faire à cette noble femme ce chagrin mortel de nous battre, devant elle, contre son époux.
Sans hésiter, Valvert obéit. Et croisant les bras sur la poitrine, il attendit avec un calme imperturbable qui dénotait la confiance sans bornes qu’il avait en son vieil ami. Landry Coquenard obéit pareillement. Seulement, il fut un peu plus long à remettre l’épée au fourreau. Et pendant tout le temps qu’il mit, avec un regret visible, à accomplir cette opération, il mâchonnait entre les dents de sourdes protestations. En pure perte, du reste, car ni Pardaillan ni Valvert ne parurent y faire attention.
Quant à la duchesse d’Angoulême, de pâle qu’elle était, elle devint livide, et elle murmura en elle-même :
« Oh ! je veux voir si Charles aura le triste courage de commettre cette abominable action de lever un fer homicide sur celui qui, vingt fois, a exposé sa vie pour sauver la sienne et la mienne. Et si l’ambition, la maudite et détestable ambition, a corrompu à ce point le cœur jadis si tendre et si généreux de mon Charles, si vraiment M. de Pardaillan ne s’est pas trompé, eh bien, il faudra qu’il me frappe avant et qu’il passe sur mon cadavre pour l’atteindre, lui, qui ne se défendra pas, puisqu’il l’a dit. »
Ayant pris cette résolution, la duchesse, plus livide encore, mais très calme, l’œil sec, fixe, vint se placer à côté de Pardaillan, face à la porte qui allait s’ouvrir. Et son attitude fière et résolue trahissait si bien son intention que Pardaillan ébaucha un sourire en se disant :
« Il est de fait qu’elle seule pourra nous tirer de cet effroyable guêpier où je me suis fourvoyé. Toute la question est de savoir si elle aura encore assez d’empire sur le duc pour lui faire faire ce qu’elle veut. Ce dont je doute, si j’en juge par la facilité avec laquelle le duc a accepté de partager son trône avec M me Fausta, ce qui me paraît indiquer que sa grande passion pour la douce Violetta est sinon morte, du moins considérablement refroidie. »
A ce moment, la porte s’ouvrit brusquement. Giselle, l’œil brillant, le teint animé, entra en coup de vent en criant :
– Mère chérie, voici mon père !
Elle s’arrêta, interdite, en voyant Pardaillan. Il faut croire qu’elle le connaissait à merveille, car elle s’écria, avec une joie naïve :
– Monsieur de Pardaillan !
Et, comme une enfant qu’elle était, elle lui sauta impétueusement au cou, en disant :
– Ah ! que je suis contente de vous voir, monsieur ! Pardaillan la serra tendrement sur son cœur, comme il avait serré la mère, et, l’écartant doucement, il l’admira et la complimenta :
– Ma petite Giselle !… Eh ! comme te voilà grande, et forte, et belle ! Mais tu n’es plus une gamine ! Te voilà devenue une femme, une vraie femme ! Et jolie, ma foi, autant que ta mère !… Ce qui est tout dire.
– Ah ! comme mon père va être heureux ! s’écria Giselle en rougissant adorablement.
Cependant, tout en l’admirant et en la complimentant, Pardaillan, sans en avoir l’air, l’écartait doucement pour garder la liberté de ses mouvements, car s’il était résolu à ne pas tirer l’épée contre le duc d’Angoulême, il n’en était pas moins décidé à ne pas se laisser égorger comme un mouton. Et, de son œil perçant, il fouillait le palier, cherchant le duc qu’il s’étonnait de ne pas voir paraître encore.
La duchesse, elle aussi, s’étonnait de ne pas le voir. Et elle posa la question à sa fille :
– Que fait-il donc, ton père ?
– Il s’est arrêté un instant pour rattacher son éperon, expliqua l’enfant.
Au même instant, on entendit des pas au haut de l’escalier, et la voix du duc prononça :
– Me voici, Violetta.
La duchesse, qui l’instant d’avant s’élançait, à demi folle de joie, au-devant de l’époux toujours passionnément aimé, la duchesse ne bougea pas, ne fit pas un mouvement. Cette voix adorée qui la bouleversait d’une tendre émotion, cette fois, amena une contraction douloureuse de la face. Sans doute, dans cette voix, percevait-elle maintenant ce qu’elle n’aurait pas perçu avant son entretien avec Pardaillan. Sans doute se
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