La Fin de Fausta
ouvrit et ferma derrière elle. Elle sauta sur le mur du fond de ce caveau sans issue apparente. Et une deuxième porte invisible s’ouvrit, démasquant l’entrée d’un étroit couloir. Elle posa là sa lanterne et bondit sur les tonneaux.
On se souvient qu’un de ces tonneaux avait été défoncé accidentellement. Elle plongea les mains dedans. Et elle eut un grondement de tigre.
– De la poudre !… en bon état !… Pardaillan, tu n’as pas passé par là !… Ah ! Pardaillan, tu me fais grâce !… Eh bien moi, je ne te fais pas grâce !… Quand je devrais y rester moi-même !…
Tout en grondant ainsi, elle s’activait fiévreusement. Elle avait saisi le tonneau, l’avait renversé. La poudre s’était répandue en tas. Dans ce tas, elle puisa à pleines mains, fit une traînée qui allait jusqu’à cette porte qu’elle venait d’ouvrir. Elle prit la lumière du falot et la laissa tomber sur cette poudre. La poudre crépita. Ce fut comme un long serpent de feu qui se mit à courir vers l’autre extrémité, où se trouvaient le gros tas de poudre et les cinq tonneaux pleins.
Fausta n’avait pas attendu. En même temps qu’elle laissait tomber la lumière, elle était partie à toutes jambes, s’était lancée dans le noir…
En haut, Pardaillan l’avait suivie un instant du regard. Il rêvait. Il songeait ceci :
« Que va-t-elle faire ?… Va-t-elle entrer dans ce caveau où se trouve cette poudre que je n’ai pas voulu détruire ?… Va-t-elle y mettre le feu, à cette poudre ?… Elle sait bien qu’elle risque sa peau autant que moi. Et si elle y met le feu, si elle saute la première, est-ce moi qui l’aurai tuée ?… Non, tout à l’heure encore je l’ai avertie en disant : si vous vivez… une femme comme elle comprend à demi-mot. C’est elle-même, et non moi, qui va décider de son sort… Si elle meurt, elle se sera tuée elle-même et je puis dire en toute assurance pour ma conscience que je n’y suis pour rien. »
Et Pardaillan, ayant fait ces réflexions qui passèrent dans son esprit avec cette rapidité prodigieuse de la pensée, descendit à son tour. En passant, il jeta un coup d’œil sur les deux portes invisibles situées à quelques pas l’une de l’autre, comme pour deviner laquelle des deux Fausta avait ouverte, et il passa de son pas ferme, très calme, comme s’il avait vraiment ignoré que la mort était penchée sur lui. Il passa, ouvrit la porte et la ferma derrière lui.
Presque aussitôt après, ce fut comme un formidable coup de tonnerre… Le sol trembla, les murs craquèrent. Puis un pétillement, un crépitement, une énorme colonne de feu. Et tout flamba, tout sauta, tout croula.
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EPILOGUE
P ardaillan était-il mort ?
Jehan de Pardaillan, son fils, et Valvert, accourus sitôt que la fatale nouvelle fut arrivée jusqu’à eux, firent faire, et firent eux-mêmes les recherches les plus minutieuses. Au-dehors, tout autour du lieu où s’était dressée la ferme, et jusque très loin, on ramassa des débris de toute sorte. Mais, parmi ces débris, rien qui ressemblât à un humain. Pas le plus petit objet ayant appartenu à celui dont on cherchait les restes pour les faire inhumer chrétiennement.
Sous terre, ce fut une autre affaire : tout de suite, Jehan et Valvert trouvèrent le corps de Fausta. Elle n’avait pu fuir bien loin. Chose étrange, le feu et l’éboulement avaient respecté son corps, qui était demeuré intact sans une écorchure. Seule, une petite contusion à la tempe de laquelle quelques gouttes de sang avaient jailli, traçant sur sa joue un mince filet rouge. Etendue sur le sable blanc, au milieu d’un amas de pierres, elle semblait dormir : Fausta, en fuyant dans le noir, avait dû faire un faux pas, se heurter à quelque obstacle invisible. Elle était tombée, se faisant à la tempe cette petite blessure. Etait-elle morte de ce choc ? Morte d’une commotion intérieure ou étouffée ?… Le certain est qu’elle était bien morte.
Mais, pas plus sous terre que sur terre, on ne trouva la moindre trace de Pardaillan. Vivant ou mort, Pardaillan paraissait s’être évanoui comme une ombre, volatilisé. Pendant des jours et des jours, Jehan, qui connaissait ces galeries souterraines, presque aussi bien que son père, et Valvert s’obstinèrent dans leurs pieuses recherches. Ils durent finir par y renoncer.
Mais, de ces recherches mêmes, ils gardèrent la ferme conviction que Pardaillan
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