La Fin de Fausta
chevalier, que vous êtes ici en parfaite sûreté.
Cette assurance, qu’elle donnait en toute sincérité, d’ailleurs, ne pouvait pas faire l’affaire de Pardaillan qui, voulant éviter à tout prix la rencontre avec le duc, ne demandait qu’à tirer au large, au plus vite. Comme s’il n’avait pas entendu, de même qu’il avait évité de répondre quand elle avait parlé du duc, il se hâta de prendre congé.
– Vous voudrez bien m’excuser si je vous quitte aussi brusquement que je vous suis apparu. Je vous jure, Violetta, que les circonstances ne me permettent pas d’agir autrement.
Comme s’il jugeait que tout était dit, il fit signe à Valvert et à Landry de le suivre et il s’avança vers la porte.
Malheureusement, la duchesse se trouvait devant cette porte. Et elle ne paraissait pas disposée à lui faire place. C’est qu’elle voyait combien son attitude était gênée. Elle ne s’expliquait pas cette gêne parce qu’elle ignorait la brouille survenue entre les deux anciens amis. Mais elle en était douloureusement affectée. Elle reprocha doucement, sur un ton plaintif :
– Comment, chevalier, je vous parle de Charles et vous évitez de répondre !… Je vous dis que cette maison dans laquelle vous avez, au hasard, cherché un refuge, appartient au plus sûr, au plus dévoué de vos amis qui, dans un instant, sera près de vous et prêt à verser son sang pour vous !… Vous devriez vous y sentir en sûreté. Et vous préférez vous en aller… au risque de tomber entre les mains de ceux qui vous traquaient et qui vous cherchent peut-être encore !… Pourquoi, chevalier, pourquoi ?…
De tout ce qu’elle avait dit, Pardaillan n’avait retenu qu’une chose : c’est que le duc ne pouvait pas tarder à arriver.
– Ce serait trop long à vous expliquer ! s’écria-t-il.
Et mettant dans son accent toute sa force de persuasion :
– Pour Dieu, Violetta, livrez-nous passage !… Il est peut-être encore temps !…
Elle savait bien qu’il n’oserait jamais porter la main sur elle pour l’écarter de force. Et elle ne bougea pas. Elle secoua sa jolie tête auréolée d’or et, fixant sur lui le rayonnement de son regard limpide, d’une voix douce qu’une émotion poignante faisait trembler :
– Savez-vous que je commence à croire que vous voulez fuir cette maison parce qu’elle appartient à mon époux… avec lequel vous ne voulez pas vous rencontrer ?
Exaspéré de voir sa force venir se briser, impuissante, devant la résistance passive de cette faiblesse qu’il eût anéantie d’un souffle, Pardaillan laissa tomber ses bras d’un air accablé, en reprochant amèrement :
– Ah ! Violetta, c’est donc ma perte que vous voulez !…
– Comment pouvez-vous dire une chose aussi affreuse ! gémit-elle. Ne savez-vous pas, Pardaillan, qu’il n’est pas une goutte de sang dans mes veines que je ne serais heureuse de donner pour vous ?
– Ah ! je ne vous en demande pas tant ! Livrez-moi passage seulement, s’impatienta Pardaillan aux abois.
De nouveau, elle le fouilla du regard, pour découvrir le secret de cette gêne qu’elle sentait en lui. Mais ce n’était pas chose facile que de lire sur le visage de Pardaillan quand il lui plaisait de commander à ses traits de demeurer fermés. Elle dut y renoncer. D’ailleurs, elle commençait à pressentir la vérité. Elle voulut en avoir la certitude. Elle s’écarta, et :
– Soit, fit-elle avec tristesse, mais je vous préviens qu’il est trop tard : le duc monte. Ecoutez plutôt.
Pardaillan avait déjà porté la main sur le loquet. Il s’arrêta net en entendant ces paroles. Il tendit l’oreille. Il reconnut la voix du duc qui, en montant l’escalier, s’entretenait à voix haute avec sa fille Giselle. Et, furieux, il sacra :
– Mort de tous les diables !
Instinctivement, il recula de deux pas. Son œil étincelant fit le tour de la pièce, cherchant une issue par où il pourrait s’esquiver, éviter le duc, sans se livrer à Concini. Il ne vit pas d’autres ouvertures que cette fenêtre par où il était entré, et cette porte par où il venait de reculer. Il rengaina, croisa les bras sur la poitrine, et éclatant d’un rire nerveux :
– Corbleu, je joue vraiment de malheur, aujourd’hui, dit-il. La duchesse avait suivi tous ses mouvements avec une attention angoissée. Elle était fixée, maintenant. Elle s’approcha de lui, mit sa main fine sur son bras
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