La Fin de Pardaillan
Mais s’ils ne virent rien, ils entendirent et Valvert glissa à l’oreille de Pardaillan :
– On dirait le frôlement d’une barque qui glisse le long du quai, sous cette porte.
– N’est-ce pas ? C’est bien ce qu’il me semblait aussi, répondit Pardaillan à voix basse.
Et avec un sourire aigu :
– Et comme il y a déjà un bon moment que cette barque se tient là, comme ceux qui la montent évitent soigneusement de se placer dans le champ de ces trous où nous pourrions les voir, j’en conclus qu’ils sont là pour nous, et qu’ils attendent, pour voir si par hasard nous ne sortirons pas de ce trou.
– Parbleu ! approuva Valvert. Et, à son tour, il précisa :
– M me Fausta a d’abord été stupéfaite de votre disparition. J’ai très bien vu qu’elle n’y comprenait rien. Puis elle s’est ressaisie, et elle a réfléchi que, sorti du caveau par un tour de force extraordinaire, vous ne pouviez être réfugié qu’ici, où vous seriez arrêté par cette porte de fer. Et elle a donné l’ordre de tout inonder. Mais c’est une femme qui estime que deux précautions valent mieux qu’une. Elle s’est encore dit que l’homme qui avait pu arracher les barreaux du caveau pouvait très bien trouver moyen d’ouvrir ou d’enfoncer cette porte. Et elle a envoyé ses estafiers vous attendre à la sortie. Il est probable que, dès que nous tenterons de mettre le nez hors de ce trou, comme vous dites, nous serons salués par quelque bonne arquebusade.
– C’est tout à fait mon avis, approuva à son tour Pardaillan. C’était tout à fait cela, en effet : Fausta, revenue de sa stupeur, avait fait la réflexion que Valvert lui prêtait. Et elle avait donné ses ordres en conséquence à d’Albaran, chargé comme toujours de leur exécution. Dès que l’inondation avait été lâchée, monté sur une petite barque avec trois de ses hommes, il était venu se poster sous la petite porte de fer. Un de ces hommes maniait les avirons. D’Albaran et les deux autres, un mousquet chargé dans les mains, se tenaient prêts à faire feu dès que la porte s’ouvrirait. Incorrigible dans sa présomption, le colosse, parce qu’il avait ces trois mousquets, pensait avoir grandement pris ses précautions. Il le pensait d’autant plus qu’au fond il était bien convaincu que ces précautions étaient parfaitement inutiles : Pardaillan, selon lui, n’aurait jamais la force d’enfoncer cette porte et devait finir misérablement noyé dans cette galerie où il était pris comme un rat dans une ratière. Cependant, comme il était très consciencieux, malgré cette conviction qu’il avait, il n’en faisait pas moins bonne garde.
– Que décidez-vous, monsieur ? demanda simplement Valvert. Pardaillan réfléchissait, le sourcil froncé.
– L’ennuyeux, murmura-t-il, est que nous ne puissions voir combien ils sont.
Et fixant son œil scrutateur sur le jeune homme, comme pour mesurer jusqu’à quel point il pouvait compter sur lui :
– Vous sentez-vous suffisamment remis pour tenter le coup ? dit-il.
– Avec vous, monsieur, on peut tenter tout ce que l’on veut. Même l’impossible, fit Valvert avec un accent d’inébranlable conviction.
– C’est qu’il s’agit de réussir, insista Pardaillan en souriant.
– Je vous entends, monsieur. Eh bien, nous allons voir si mes forces sont suffisamment revenues pour que je puisse vous être de quelque utilité.
Ayant dit ces mots avec simplicité, Valvert se baissa, saisit le bloc de pierre dans ses bras et le souleva sans effort apparent. Et sans le lâcher :
– Je crois que cela ne va pas trop mal, dit-il de son air simple, et sans que sa voix fût le moins du monde altérée par le rude effort qu’il fournissait.
– Peste ! fit Pardaillan avec une satisfaction visible, je me demande quel tour de force vous seriez capable d’accomplir, si vous n’aviez pas été à moitié assommé.
– Faut-il briser la porte ? proposa Valvert avec la même simplicité et sans lâcher la pesante masse.
– Non pas, refusa Pardaillan, il faut nous concerter d’abord au sujet de la manœuvre que nous allons exécuter.
Valvert reposa doucement l’énorme bloc par terre et de son même air modeste :
– Je crois, dit-il, que je pourrai vous seconder assez convenablement, bien que je ne me sente pas en possession de tous mes moyens.
– Je plains ceux qui auront à essuyer vos coups, admira sérieusement
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