La Flèche noire
comprit.
– Par la messe ! s’écria-t-il, vous n’êtes pas Jack, vous êtes Joanna Sedley ; c’est vous qui ne vouliez pas m’épouser.
La jeune fille s’arrêta, sans parole et sans mouvement. Dick aussi se tut un moment, puis il reprit.
– Joanna, vous m’avez sauvé la vie, et j’ai sauvé la vôtre, nous avons vu couler le sang et été amis et ennemis… et j’ai pris ma ceinture pour vous battre ; et tout le temps je croyais que vous étiez un garçon. Mais, à présent, la mort me tient et mon temps est fini, et, avant de mourir, il faut que je dise ceci : vous êtes la meilleure fille et la plus brave sous le ciel, et, si seulement je pouvais vivre, je vous épouserais avec joie ; et vif ou mort, je vous aime.
Elle ne répondit rien.
– Voyons, dit-il, parlez, Jack. Voyons, soyez une bonne fille et dites que vous m’aimez.
– Mais, Dick, dit-elle, serais-je ici ?
– Bien, voyez-vous, si nous échappons, nous nous marierons ; et, si nous devons mourir, nous mourrons, et ce sera fini. Mais maintenant j’y pense, comment avez-vous trouvé ma chambre ?
– J’ai demandé à dame Hatch.
– Bien, la dame est sûre, elle ne nous dénoncera pas. Nous avons du temps devant nous.
À ce moment, comme pour contredire ses mots, des pas se firent entendre dans le corridor, et un poing frappa rudement la porte.
– Ici ! cria une voix, ouvrez, maître Dick ; ouvrez !
Dick ne répondit, ni ne bougea.
– Tout est perdu, dit la jeune fille ; et elle entoura de ses bras le cou de Dick.
L’un après l’autre, des hommes vinrent s’attrouper devant la porte. Puis Sir Daniel lui-même arriva et le bruit cessa subitement.
– Dick, cria le chevalier, ne soyez pas un âne. Les Sept Dormants auraient été réveillés depuis longtemps. Nous savons qu’elle est ici. Ouvrez donc, mon garçon.
Dick se taisait toujours.
– Enfoncez, dit Sir Daniel. Et, aussitôt ses hommes se ruèrent sur la porte à coups de poings et de pieds. Si solide qu’elle fût, et fortement verrouillée, elle aurait vite cédé, mais, une fois de plus, le hasard s’entremit. Dominant cette tempête de coups, le cri d’une sentinelle fut entendu ; un second suivit, l’alarme courut le long des créneaux, des cris répondirent du bois. Au premier moment, il semblait que les hommes de la forêt prenaient d’assaut Moat-House. Et Sir Daniel et ses hommes, abandonnant aussitôt l’attaque de la chambre de Dick, se hâtèrent d’aller défendre les murs.
– À présent, s’écria Dick, nous sommes sauvés.
Il saisit le grand vieux lit des deux mains et fit en vain tous ses efforts pour le remuer.
– Aidez-moi, Jack. Au nom de votre vie, aidez-moi de toute votre force ! cria-t-il.
À eux deux, d’un formidable effort, ils tirèrent le grand cadre de chêne par la chambre et le poussèrent contre la porte.
– Ça n’en ira que plus mal, dit Joanna tristement. Il entrera par la trappe.
– Non pas, répliqua Dick, il n’osera pas dire son secret à tant de gens. C’est par la trappe que nous fuirons. Écoutez ! l’attaque est finie. Mais ce n’en était pas une.
En effet, il n’y avait pas eu d’attaque, c’était l’arrivée d’une nouvelle troupe de traînards de la déroute de Risingham qui avait dérangé Sir Daniel. Ils avaient couru le risque, profitant de l’obscurité ; on les avait fait entrer par la grande porte ; et maintenant, avec un grand bruit de sabots et le cliquetis des armures et des armes, ils descendaient de cheval dans la cour.
– Il va revenir tout de suite, dit Dick. À la trappe !
Il alluma une lampe et ils allèrent tous deux dans le coin de la chambre. La fente ouverte à travers laquelle une lumière brillait encore faiblement fut aisément découverte, et, prenant une solide épée dans la petite panoplie, Dick l’enfonça profondément dans l’ouverture et pesa fortement sur la poignée. La trappe remua, bâilla un peu, et enfin fut grande ouverte. La saisissant avec leurs mains, les deux jeunes gens la renversèrent. Cela découvrit quelques marches au bas desquelles brûlait une lampe laissée par leur ennemi.
– À présent, dit Dick, passez devant et prenez la lampe. Je suivrai pour fermer la trappe.
Ainsi ils descendirent l’un après l’autre, et lorsque Dick baissait la trappe, les coups recommencèrent à tonner contre les panneaux de la porte.
CHAPITRE IV
LE PASSAGE
Le passage
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