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La force du bien

La force du bien

Titel: La force du bien Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marek Halter
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que nous devions aider les Juifs, même au péril de notre vie. Quand les Allemands sont venus, quand ils ont fait irruption dans notre couvent, j’ai ressenti une espèce de force qui me venait du Seigneur… On était jeunes, toutes, en ce temps-là. Ces Juifs avaient besoin de nous, on ne pouvait pas rester les bras croisés ! Je pense que c’est ça. Regardez la directrice du pensionnat avec laquelle j’ai travaillé, Annie Lombardi : en voilà une qui avait du courage ! Moi, j’en avais bien un peu, mais elle en avait plus que moi ! Elle avait demandé à notre mère supérieure de pouvoir partir avec eux, avec les Juifs !… Retenez son nom, allez la voir : elle aussi, elle vous racontera ce qui s’est passé. Elle s’appelait soeur Emma Luisa de son nom de religieuse.
    — Beaucoup de Juifs sont passés par votre couvent ?
    — Oui, beaucoup, et sans cesse. À partir de la nuit du 26 au 27 novembre 1943. Nous sommes devenus un lieu de transit pour ces gens qui ne savaient pas où aller.
    — Et la peur ? Vous n’aviez pas peur ?
    — Bien sûr que si ! Les Allemands arrivaient en pleine nuit, ils entraient jusque dans les dortoirs en fouinant partout, en soulevant les matelas !
    — Madre Sandra, pourquoi avez-vous aidé tous ces Juifs ?
    — C’était notre devoir, non ? Et puis faire son devoir est facile avec des gens qu’on aime. Je vous l’ai dit : je les aime !… »
    Je ne saurais manquer de suivre le conseil de Madre Sandra ; je pars donc à la recherche d’Annie Lombardi. Je découvre une vieille dame de quatre-vingt-cinq ans qui, malade, me reçoit pourtant avec amabilité. Les cheveux blancs tirés en arrière par un chignon, le visage long et anguleux, elle s’exprime avec facilité. Sa voix, son attitude me paraissent témoigner d’une certaine inéluctabilité du Bien. En la voyant, en observant les mouvements de ses mains lorsqu’elle parle, je sens que j’ai devant moi quelqu’un d’entier, tout d’un bloc, quelqu’un qui ne pouvait pas reculer devant l’injustice. Une grande compassion se lit sur ses traits quand je la questionne au sujet de ces Juifs qu’elle hébergeait à l’époque. Sur sa chaise roulante elle m’écoute, regard intense, puis sourit avant de répondre à ma question :
    « Pourquoi ?
    — Parce qu’ils me faisaient de la peine. Parce que personne ne les voulait… Parce qu’il faut bien aider son prochain, n’est-ce pas ?
    — À quel moment avez-vous commencé à aider les Juifs ?
    — En 1943. Ils venaient nous demander asile. Je tenais ce pensionnat. Juifs et non-juifs y étaient mêlés. Les réfugiés juifs, on leur donnait à manger comme aux autres, on les servait à table et ils avaient chacun leur chambre. Le Palazzo Spigliosi est grand… À ce moment-là vivait à Florence une certaine Mme Vardi, de la communauté juive : c’est elle qui m’a suppliée d’accueillir dans le pensionnat ces Juifs qui fuyaient, qui arrivaient de partout, sans arrêt, parce qu’ils essayaient d’échapper aux Allemands. C’était terrible. Moi, je ne peux pas me permettre de haïr, mais je dois reconnaître que Hitler était un animal !
    — Aviez-vous peur ?
    — Eh bien, à vrai dire, non. Si je dois mourir, c’est la volonté de Dieu, n’est-ce pas ? Je suis assez forte de caractère. Bien sûr, c’était la guerre, avec les Allemands de plus en plus féroces, et une situation tragique. Quelle époque ! On vivait toujours la gorge serrée. De l’angoisse, oui, pour toutes ces personnes à protéger. Mais pour moi, non, je n’avais pas peur. Je pensais qu’il était indispensable de faire ce que nous faisions, qu’il le fallait  !
    — Comment les choses se sont-elles passées quand les Allemands ont arrêté la mère du petit Emanuele Pacifici et les autres femmes juives qui étaient logées chez vous ?
    — Ce soir-là, quand les Allemands sont venus les arrêter, je leur aurais craché au visage ! Je les insultais, je voulais les empêcher d’arrêter ces femmes. Ils m’ont dit que, si je continuais, ils allaient m’emmener moi aussi. J’ai dit : “ D’accord ! Je pars avec elles ! Emmenez-moi ! ” Mais ils ne l’ont pas fait, parce que je suis catholique. Ce soir-là, quand ils les ont emmenées, ces filles, si belles… elles s’accrochaient à moi en pleurant ! C’était horrible. Je ne veux plus y penser ; ça me rend malade, oui, malade… »
     
    C’est grâce à Madre

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