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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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pour dissoudre mes chairs, et ensuite mettre mes os dans une boîte pour les exposer dans des baraques en échange d’un penny ! »
    Sa voix était sèche, cassée, son visage, une horrible masse brûlée.
    « Jamais je n’aurai de repos, jamais je ne dormirai en paix. Je serai traînée de foire en foire, objet de curiosité jusque dans ma mort. Promets-moi, Bob, d’accomplir ce dernier vœu. Je t’en supplie ! »
    Elle avait des larmes plein les yeux. Elle était à l’agonie, et elle avait raison d’avoir peur. J’ai vu dans les foires des squelettes de géants, de nains, de fées, et je sais que certains d’entre eux ont été obtenus par des moyens illicites. Quand Patrick Kelly, le géant irlandais, a su qu’il allait mourir, il a fait promettre à tout le monde de veiller à ce qu’il soit enterré dans le calme et la dignité, d’un seul tenant. Hélas, il n’était pas encore froid qu’on l’avait déjà vendu à un bonimenteur. On rapporte même qu’on a commencé à le dépecer avant qu’il n’ait expiré. Aussi j’ai promis en silence à la Princesse de m’assurer qu’elle serait inhumée dans le calme et le recueillement, puis je l’ai serrée plus fort contre moi et elle s’est assoupie.
    J’étais assis sur le palier du deuxième étage, observant les flammes qui se propageaient autour de la salle, quand enfin Will est arrivé, suivi de Trim, Pikemartin et Conn, alors, voyant l’ampleur de l’incendie, ils se sont rués sans poser de question sur les seaux d’eau – six par palier, Mr Abrahams a toujours insisté sur ce point – et ont vite éteint le brasier. On a ensuite appelé Herr Swann qui, avec une expression de douleur si terrible que cela m’a brisé le cœur, a pris à son tour dans ses bras le pauvre petit corps de la Princesse, encore enveloppé dans mon pardessus, et l’a gardée ainsi jusqu’à ce qu’elle trépasse.
    J’avais les mains brûlées, couvertes de cloques. Comme les bras et la poitrine.
    Toutefois, la douleur était devenue ma compagne fidèle ces temps derniers, aussi n’y ai-je guère prêté attention quand Em m’a pansé en me disant, les larmes aux yeux, combien j’étais courageux.
    *
    La Princesse a été inhumée une semaine plus tard, au petit matin, dans un cimetière éloigné, par un prêtre catholique romain. Herr Swann et moi-même étions les seules personnes présentes. Il n’y avait pas de pierre tombale ni aucun indice qui puisse révéler l’emplacement de son corps.

Épilogue
    Il ne reste plus une place vacante au Pavilion Theatre le lendemain de Noël pour la première d’ Elenore, la femme pirate ou l’Or du roi de la montagne, grand spectacle de Noël, et des spectateurs déçus font la queue dans la rue enneigée, dans l’espoir que les remplisseurs de Mr Carrier (qui sont capables d’installer vingt personnes sur une rangée de dix fauteuils, si besoin !) réussiront comme par magie à les faire tenir tous. Dedans, telles des puces sur le dos d’un mendiant, ils poussent et tentent de se faire une place microscopique sur un banc dans la chaleur d’enfer du poulailler, et on entend des « Eh ! Attention à vot’ coude ! » ou encore « Faites gaffe à mes pieds ! », tout cela dit avec bonne humeur, et dans de grands éclats de rire pleins d’anticipation. Des oranges passent de main en main, ainsi que l’obligatoire pichet de bière au gingembre, des noix (cassées sous des talons experts) et des biscuits.
    Quand arrivent les membres de l’orchestre, le public les acclame. L’apparition de Mr Bilker, baguette en main, les cheveux brillants d’huile de macassar, déclenche une ovation. L’ouverture est écoutée et appréciée, des rangées de jeunes filles excitées oscillent au rythme des mélodies populaires. Tous les regards sont braqués sur le rideau frémissant, et dès qu’un pied apparaît en bas, ou qu’une forme se détache d’un pli, acclamations et cris fusent : « Oh, mon Dieu, c’est qui, là ? C’est lui, ou c’est elle ? », et plus les interrogations se répètent, plus l’hilarité grandit. Les enfants, intenables, peinent à rester en place sur leurs sièges ou les genoux de leur mère. Quelles merveilles Mr Carrier prépare-t-il derrière ce rideau ?
    Celui-ci bouge une fois de plus, et l’orchestre joue un tout dernier accord. Applaudissements d’usage de la salle comble, et tous, du poulailler jusqu’aux loges, de se pencher en avant. Mr Bilker

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