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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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l’Institut pour les Vagabonds, en lui demandant d’emmener l’enfant avant qu’il ne gèle sur place.
    Les minutes se succèdent. Le garçon a tout autant conscience du laps de temps qui sépare les gouttes de pluie que de l’éternité, et il se moque bien de l’un comme de l’autre. Pour la première fois en une heure, son pied bouge, lent, raide, et parallèlement, un inconnu l’imite, en tout point opposé quant à la taille et l’allure. De sous l’abri d’une porte cochère, à l’extrémité de la place, émerge un homme semblable à une baleine, les joues roses comme des reinettes, tout sourire malgré les rafales humides. Il ramène son long pardessus clair autour de lui, remonte son col et, en louvoyant parmi les pavés, tel un navire sur une mer houleuse, s’approche de l’enfant, le saisit par l’épaule de sa main grassouillette.
    Barney se retourne, le regarde visiblement sans le reconnaître. À l’inverse, le gros homme est tout à son affaire, tout en familiarité.
    « Je suis vraiment désolé… pour ta perte. » Chose surprenante, il a une voix aiguë, comme celle d’un enfant, et son sourire révèle des dents si petites, si insignifiantes, qu’on croirait qu’elles percent à peine la gencive. Simple trace blanche.
    La figure de l’inconnu a de quoi étonner, mais Barney y prête à peine attention. C’est seulement quand l’autre, qui le tient toujours d’une main ferme par l’épaule, se penche à son oreille pour lui murmurer tout un discours, que le gamin réagit, et c’est comme s’il recevait une décharge électrique, car il bondit en arrière, échappant à la poigne de son interlocuteur. Sortant un shilling entre ses doigts boudinés, le Gros Lard avance sur l’enfant et esquisse un mouvement brusque pour l’attraper. Mais le petit est plus rapide, il lui échappe en vacillant, s’éloigne de deux mètres, puis il s’arrête, pousse un léger cri et prend ses jambes à son cou.

1
    Bob Chapman et ses Chiens Malins
    Si vous me rencontriez dans la rue, je parie à dix contre un que vous ne me reconnaîtriez pas, alors que vous m’avez sans doute croisé cent fois. Ma tête est pour vous comme celle des gardes de la reine, elle fait partie du décor, mais on ne la regarde pas. Si vous preniez le temps de m’examiner d’un peu plus près, vous vous diriez peut-être : « Eh, je connais ce gars-là ! » ou bien : « On s’est déjà vus quelque part ! » sans jamais en être tout à fait certain.
    Mais si vous m’observiez dans cette même rue, avec mes deux chiens sur les talons, alors là ce serait une autre histoire. Ce serait même tout un roman. Vous nous reconnaîtriez, c’est sûr, et vous vous sentiriez assez à l’aise pour nous saluer d’un : « Eh, voilà Brutus, Néron, et leur maître, Bob Chapman », et mes compagnons vous seraient si familiers que vous les gratteriez derrière les oreilles, leur demanderiez de rouler sur le dos ou de donner la patte. Vous me verriez peut-être, à mon tour, et voudriez me serrer la patte à moi aussi ! Mais n’allez pas croire que cela me vexe ou m’offense que tout le monde s’arrête pour saluer mes chiens sans me voir, moi, vous feriez fausse route, parce qu’ils forment la plus belle paire d’amis qu’un homme puisse souhaiter, et si je vivais un siècle, jamais je n’en rencontrerais d’autres qui leur soient comparables. En outre, ils triment dur et gagnent jusqu’à trois fois ce qu’ils me coûtent par semaine, et je les aime comme si c’étaient mes propres enfants. Brutus, il faut que vous le sachiez, m’arrive au genou, c’est un retriever anglais couleur sable, avec les yeux les plus doux et le caractère le plus aimable du monde. Je suis certain que dormir est son activité préférée ! Mais mettez-le au travail, sur scène ou sur la piste d’un cirque, et il y restera jusqu’à ce que le désert soit inondé. Sa spécialité consiste à saisir un œuf dans sa gueule – c’est un numéro que le public adore – pour aller le déposer parmi d’autres, dans un panier, sans le casser ni même le fissurer. Il transporte les chatons et les poussins du jour comme s’il était leur mère, et promène sur son dos les petits enfants.
    À présent, Néron. Noir comme la tête d’un Maure, c’est un terre-neuve (pas pure race), et il a autant de valeur par son allure que par ses aptitudes. Plus d’une fois on m’en a proposé cinquante livres, mais est-ce que je

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