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La gigue du pendu

La gigue du pendu

Titel: La gigue du pendu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ann Featherstone
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théâtre, derrière, le Royal Crown je vous prie, et pendant qu’un jeune homme à la mâchoire fatiguée annonçait les délices sanglantes de la galerie des statues de cire (« Un vrai billot, pour sûr, avec du vrai sang »), un autre hurlait : « Maria Marten et son horrible meurtre par ce gibier de potence de Corder dans la Grange Rouge ! Ça va commencer ! »
    Le pauvre Pilgrim était dans un état d’agitation terrible.
    « Vous voyez ce qui se passe, Bob Chapman ! Des voleurs et des vagabonds, jusque devant ma porte ! »
    (« La ferme ! Laisse-moi lui raconter, John Pilgrim ! »)
    « Pas question ! Jour et nuit, leur vacarme m’assassine les oreilles. Et maintenant, c’est en sous-sol. »
    (« Je te l’ai dit. Pirates et trésors enfouis. »)
    « Et Bob Chapman qui apparaît juste à côté ! Qu’est-ce que je disais ? Tu y crois, toi ? »
    (« On a l’affiche qui le prouve, n’est-ce pas ? Mets-le dehors, pauvre minable ! Espèce de mangeur de grenouilles ! De quoi as-tu peur, John Pilgrim ? »)
    « Ah non, ne commence pas, corniaud ! Bob Chapman est notre ami. Évidemment qu’il ne travaille pas dans cet établissement de bas étage. C’est un imposteur, voilà tout. »
    Il s’est mis à s’agiter dans tous les sens, à se pincer le bras, s’envoyer des coups de pied dans les tibias.
    (« Bob Chapman devrait casser la figure à celui qui usurpe son nom, maudit soit-il ! »)
    « Pour une fois, il a raison. »
    (« Écrasez-le ! »)
    « Mais pas avec ces mains-là », a fait ce vieux fou en désignant mes pauvres paluches tout amochées, et il a fait entrer mes chiens dans sa boutique (pour leur donner du sucre et des biscuits) en claquant la porte derrière lui.
    J’avais hâte de reprendre ma route, et j’avais si mal aux côtes que je parvenais à peine à respirer. Mais comme je suis pour ainsi dire du métier, et pas de ceux qui jouent les fiers, il m’arrive d’aller voir ce genre de spectacle à deux sous. Dans des endroits comme celui-ci, j’ai assisté à des tours de magie et de chant, à des pirouettes et des numéros de danse qui n’auraient pas déparé une scène plus prestigieuse. Bien sûr, ils ne sont pas tous de ce calibre, et ces établissements constituent souvent le dernier refuge des saltimbanques qui ont sombré dans la boisson. On repère ce genre de personnage à sa gorge enrouée et son œil morne, et si sur scène il ne paraît pas livide, vous le trouverez suant dans une taverne, ou dormant avec son costume sur un sac de farine. Mais quand je vois ces infortunées reliques de la profession, je me rappelle que si la guigne n’avait pas regardé ailleurs quand j’ai trouvé cette bonne place à l’Aquarium, peut-être que moi aussi je jouerais de l’orgue de Barbarie devant une salle de cet accabit.
    Si vous n’êtes jamais entré dans une de ces galeries à deux sous, laissez-moi vous dire qu’il faut avoir le cœur bien accroché. Non qu’il y ait à voir des choses horribles, car il suffit de posséder une once de bon sens pour savoir que le sang qui dégouline comme de la sauce sur une tourte n’est en réalité que de la peinture allongée d’eau et que les personnages qui vous lorgnent de leurs yeux écarquillés, qu’ils représentent un roi ou un saint, sont faits de plâtre et de sciure. Que « l’épée terriblement tranchante » a été taillée dans une poutre de charpente, et que même la corde du bourreau est usée jusqu’au dernier brin par endroits, non parce qu’elle a beaucoup servi à pendre, comme vous l’assure le baratineur, mais parce qu’elle a hissé moult barriques depuis la cave profonde de Mr le Proprio du Two Royal Children . L’obscurité est l’amie du bonimenteur. Dès l’entrée, il fait si sombre que vous devez vous repérer en suivant à tâtons les murs gras – à cause du nombre d’épaules qui s’y sont appuyées avant vous – qui vous mènent vers l’intérieur, jusqu’à une salle illuminée par quelques becs de gaz (laissés par les occupants précédents) et un misérable bout de chandelle. Ce que vous ne pouvez voir est laissé à votre imagination !
    Mais si ce genre de lieu ne vous est pas familier, alors vous n’avez pas l’habitude d’entendre célébrer le crime et les criminels, pratique coutumière dans ces galeries, et vous serez choqué de voir combien de personnes se délectent de ces scènes de Grand-Guignol. Comme elles peuvent demeurer

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